Page:Revue des Deux Mondes - 1884 - tome 63.djvu/427

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de bataille derrière ses tirailleurs. Le général Lynch donne ordre de réserver le feu et de ne commencer le tir qu’à une portée de 400 mètres. Les Chiliens abordent hardiment les pentes, escaladent les hauteurs, franchissent les fossés et repoussent les Péruviens ; mais ces derniers ne tardent pas à se reformer. Derrière ces collines s’en élevaient d’autres dont le feu plongeant arrêtait l’effort des assaillans. La seconde division chilienne, qui devait attaquer le centre de l’armée péruvienne, arrêtée par les difficultés de sa marche, tardait à entrer en ligne. Pierola, détachant une brigade du centre, l’envoie soutenir l’effort de son aile gauche. L’élan de la division Lynch est brisé ; elle se maintient avec peine sur les premières positions enlevées, mais ne peut avancer. Sa situation est compromise. Le général Baquedano la fait soutenir par sa réserve et envoie presser l’arrivée de sa seconde division, commandée par le lieutenant-colonel don Aristides Martinez ; la réserve lancée au pas de charge vient grossir les rangs des assaillans ; les Chiliens reprennent l’offensive ; par un effort lent et soutenu, ils avancent, refoulant l’ennemi devant eux dans une lutte corps à corps. En deux heures de combat, ils gagnent le sommet des hauteurs, au moment où leur deuxième division entrait enfin en ligne sous les ordres de don Francisco Gana, culbutait les Péruviens, cernait l’aile gauche et enveloppant, par une marche hardie sur un sol semé de bombes automatiques, les bataillons ennemis, rejoignait les soldats victorieux de Lynch.

L’aile gauche et le centre de l’armée péruvienne étaient battus, ses débris se repliaient cependant en assez bon ordre sur Chorrillos. Le général chilien lance sur eux sa cavalerie, dont l’irrésistible élan achève de les disperser et qui les sabre sans relâche. Sous le galop des chevaux, sous les pas des fuyards, les bombes dissimulées à fleur de sol, éclatent et font éprouver autant de pertes aux Péruviens qu’aux Chiliens ; mais elles ne ralentissent pas l’ardeur des cavaliers, dont elles surexcitent la colère et qui ne font pas de prisonniers. Les Péruviens fuient en désordre vers Chorrillos, qu’ils atteignent enfin, protégés par le feu des batteries du Morro Solar, qui arrête la poursuite des Chiliens.

A neuf heures du matin, l’armée chilienne occupait toute la gauche des retranchemens péruviens ; mais, adroite, une division péruvienne résistait à tous les efforts. Placée sous les ordres du ministre de la guerre, don Iglesias, elle occupait Chorrillos et le Morro Solar. Située près de la plage, la petite ville de Chorrillos se relie au Morro Solar, hauteur escarpée de 270 mètres, par une chaîne de collines de sable d’un accès difficile. Cinq redoutes hérissées d’artillerie couronnaient les sommets. Renforcée par des troupes