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Page:Revue des Deux Mondes - 1884 - tome 63.djvu/519

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main au maréchal de Coigny, qui promettait de se maintenir à Haguenau ; mais Coigny, après quelques jours d’arrêt, trouvant la situation de Haguenau faible et impossible à défendre, prit le parti de rétrograder encore et de se retirer sous le canon de Strasbourg. Dès lors, les deux corps français étaient séparés, Coigny confiné dans un des coins extrêmes de l’Alsace, tandis que d’Harcourt restait complètement en l’air, à la porte de la Lorraine, avec une force insuffisante pour résister même un jour à une attaque du prince Charles. D’un moment à l’autre, on s’attendait à voir le prince apparaître, et ses partisans, dans toutes les cités de la Lorraine, commençaient à se remuer. La terreur était telle dans la province que le roi Stanislas, qui la gouvernait, crut devoir quitter précipitamment son palais de Lunéville pour aller chercher lui-même un refuge à Metz, tandis que la reine sa femme prenait avec la même hâte le chemin de Versailles en emportant toutes ses pierreries. L’arrivée de l’armée royale était donc urgente et il n’y avait pas un instant à perdre. Noailles ne dissimula pas au roi que, s’il persistait à venir lui-même, il fallait faire la campagne en vrai soldat, à grandes marches et léger de bagages, en laissant derrière lui l’appareil royal : — « Je dois prévenir Votre Majesté, lui disait-il, sur la nécessité de se débarrasser des gros équipages, sans quoi il deviendrait impossible de faire le mouvement que l’objet militaire exige, indépendamment de la difficulté de pourvoir aux subsistances dans les pays où votre armée pourra se porter et qui auront déjà été foulés par notre armée et par celle du prince Charles. »

La lettre trouva Louis déjà, en route, et, de Reims, il répondait sans s’émouvoir : « J’ai bien de l’impatience d’être à Metz et de conférer avec vous, et M. de Belle-Isle, qui sait aussi bien que vous ma façon de penser. Je saurai me passer d’équipage, s’il le faut, l’épaule de mouton du lieutenant d’infanterie me nourrira facilement[1]. De la même plume il écrivait à l’empereur : « Monsieur mon frère et cousin, aussitôt que j’ai reçu la nouvelle que l’armée autrichienne avait surpris un passage sur le Rhin, je pris la résolution de m’y rendre en personne et je suis bien aise d’en faire part à Votre Majesté. Quelque espérance que j’eusse de faire de plus grands progrès dans les Pays-Bas, je les sacrifie volontiers à ce que l’intérêt de la cause commune, et, en particulier, celui de Votre Majesté, exigent dans les circonstances présentes[2]. »

Il ne fallait pas moins que ce noble langage pour rendre un peu

  1. Le roi à Noailles, 31 juillet 1744. — Rousset, t. II, p. 474.
  2. Le roi à l’empereur, 16 juillet 1744. (Correspondance de Bavière. — Ministère des affaires étrangères.)