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auront remplacé les diligences et les lampes d’Edison les réverbères. Je voudrais y faire fortune : pensez-vous que dans dix ans le taux de l’intérêt se soit élevé ? — Nullement, répondra le conseiller. — Pensez-vous que les salaires du travail journalier se soient élevés ? — Loin de là ; les bras ne seront pas plus recherchés ; selon toute apparence, ils le seront moins. — Alors, que dois-je faire pour faire fortune ? — Achetez promptement ce morceau de terrain et prenez-en possession. Vous pouvez ensuite vous coucher sur votre terrain ; vous pouvez planer au-dessus en ballon ou dormir dessous dans un trou, et, sans remuer le doigt, sans ajouter un iota à la richesse générale, dans dix ans vous serez devenu riche. Dans la cité nouvelle, il y aura un palais pour vous ; il est vrai qu’il y aura aussi probablement un hospice pour les pauvres. » — Le résultat de la spéculation sur les terrains est la cherté croissante des loyers, qui devient, pour les travailleurs, un fardeau de plus en plus lourd, M. Leroy-Beaulieu critique avec force le remède extrême proposé par le professeur Wagner, de Berlin, c’est-à-dire le rachat de la propriété urbaine par les municipalités et par l’état ; il remarque, d’ailleurs, que ce moyen n’est pas par lui-même u directement opposé aux principes de la science économique, l’état ayant le droit d’expropriation dans l’intérêt public. » Selon M. Leroy-Beaulieu, « on pourrait même admettre le rachat, par les municipalités ou par l’état, sous la forme de l’expropriation publique, des terrains non bâtis. Quand une ville naît ou qu’elle s’étend, il n’y aurait que de minces inconvéniens à ce que, en ouvrant de larges voies, elle acquît tous les terrains vagues qui les avoisinent et à ce qu’elle les revendît ensuite par parcelles aux enchères, avec l’obligation de bâtir dans un délai déterminé… Les municipalités profiteraient ainsi de la plus-value des terrains éloignés. » Nous approuvons fort ce procédé, mais avec une restriction importante. M. Leroy-Beaulieu a-t-il raison de vouloir que l’état et les villes, après avoir acquis les terrains vagues, les u revendent par parcelles aux enchères, » au lieu d’en conserver la propriété et de les affermer simplement pour soixante, cent et cent vingt ans ? Les idées de M. de Laveleye semblent ici bien plus plausibles. Nous verrons tout à l’heure M. Leroy-Beaulieu approuver lui-même ces idées sur un point qui n’est pas sans analogie avec le précédent ; pourquoi donc ne pas réserver à l’état et aux municipalités le profit de la « plus-value » dans l’avenir comme dans le présent ? Ce serait un des moyens les plus légitimes, d’abord pour empêcher en partie l’immobilisation de la propriété urbaine et la faire circuler en quelque sorte ; puis, chose capitale, pour ménager à l’état des bénéfices destinés à diminuer d’autant les impôts et à permettre des œuvres philanthropiques.

Une autre mesure encore qui pourrait être prise par les munici-