à nos heureux descendans une magnifique succession? Pourquoi ne ferait-on pas de même pour le sol là où il est encore disponible, comme en Algérie ? M. Leroy-Beaulieu reconnaît lui-même (et l’aveu est précieux) que « cet arrangement serait possible, peut-être profitable. Le colon actuel se contenterait vraisemblablement de la perspective d’une jouissance d’un siècle ou d’un siècle et demi. » Au reste, dans beaucoup de pays, l’état fait des concessions de terres ou autres avec clause de retour au bout d’un certain temps. En définitive, pourquoi la société renoncerait-elle à bénéficier pour sa part d’un phénomène qui est éminemment social, la plus-value progressive, et pourquoi abandonnerait-elle aux seuls individus tous les bénéfices légitimes ? Aux économistes de chercher ici les meilleures voies à suivre ; mais supprimer les impôts au moyen de profits faits par l’état, substituer la rente spontanée, qui est un bénéfice social, aux charges pesant sur les contribuables, conséquemment éteindre peu à peu la dette publique, voilà un assez beau résultat pour qu’on cherche sérieusement les moyens de l’atteindre.
Le phénomène de la rente ne se produit pas exclusivement pour la propriété foncière soit rurale, soit urbaine. Il y a d’autres valeurs qui s’accroissent aussi non par l’effet d’un travail personnel chez leurs propriétaires, mais par l’effet des relations sociales, des débouchés nouveaux, des nouveaux besoins de l’industrie, même des simples modes et des caprices de l’opinion. Ce n’est donc pas seulement la rente foncière qui renferme théoriquement une portion attribuable à la société ; c’est tout revenu net prélevé au-delà 1o du recouvrement des frais ; 2o du salaire, c’est-à-dire de la rémunération due au capital et au travail. On en voit un exemple dans les prêts de toute sorte avec intérêt. La partie de l’intérêt qui ne se résout pas en remboursement de frais et en salaire du travail ou du capital est une sorte de rente et de plus-value. Mais cette observation même prouve ce qu’il y a de chimérique dans le socialisme qui s’attaque à la rente. Ici encore nous demanderons aux socialistes comment ils espèrent, en tout profit et, pour être logique, en toute perte, faire la part de l’individu et la part qu’on pourrait appeler sociale ? Quelle utopie que de vouloir supprimer dans les choses humaines la part de l’alea, de la chance et du hasard ! Les ouvriers eux-mêmes profitent souvent des circonstances : que la demande de tel ou tel produit augmente, les ouvriers qui le fabriquent seront payés plus cher, tandis que d’autres ouvriers verront diminuer leur salaire. Ces derniers crieront-ils que leurs compagnons sont des rentiers ? Demanderont-ils une indemnité à leurs rivaux plus heureux ? Les jardiniers qui ont reçu la pluie dans leur jardin et fait bonne récolte devront-ils réparation à ceux que la sécheresse a ruinés ? Nous ne méconnaissons pas qu’il s’agit dans ce cas de phénomènes passa-