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intelligences ordinaires que les méthodes doivent se proposer de développer, et pour celles-là il faut procéder par ordre, avec patience et avec clarté. Je suis persuadé que tous ceux qui réussissent ne doivent pas leurs succès à l’esprit de l’enseignement, mais à la méthode qu’ils ont suivie. C’est pourquoi nos législateurs ont préféré instituer les préceptes qui conduisent au succès.

Ce n’est pas tout. Non-seulement ils ont enseigné le meilleur moyen de s’instruire, mais ils ont rendu l’éducation obligatoire par ce seul fait que les parens sont responsables de leurs enfans et qu’ils sont récompensés par l’état ou punis selon la conduite qu’ils observent à l’égard de leurs enfans. Il est aisé de comprendre avec quelle force un pareil système agit sur l’éducation. Notre langue est remplie d’expressions proverbiales qui font allusion à l’excellence de l’éducation : « Pliez le mûrier, lorsqu’il est jeune encore. — Si l’éducation ne se répand pas dans les familles, comment obtiendra-t-on des hommes capables de gouverner ? » Aussi est-ce avec un sentiment de légitime orgueil que je constate la quantité innombrable d’hommes sachant lire et écrire dans notre immense empire ; presque tous les habitans de la Chine sont instruits.

Et cependant ils vivent en paix. Ah ! c’est là un de nos titres de gloire ! De même que nous n’avons pas employé la poudre pour faire sauter le monde, nous n’avons pas abusé de l’imprimerie pour corrompre les esprits et exciter les passions inutiles. L’éducation ne se comprendrait pas dans ce sens. Les livres qui sont classiques, c’est-à-dire obligatoires, dont l’étude et la connaissance conduisent aux honneurs et à la fortune, ne parlent que de la direction de l’esprit, des devoirs de chacun d’entre nous dans nos diverses situations ; en un mot, l’éducation nous apprend d’abord à vivre raisonnablement, à nous mettre dans le droit chemin, à nous rappeler ce que nous sommes, et ce que nous serons si nous nous maintenons par le respect.

Pour exprimer toute ma pensée, je dirai que nos enfans sont ce que seraient ces mêmes enfans dans le monde chrétien si l’éducation consistait à apprendre, sous la direction de parens responsables, l’évangile, les livres saints, l’histoire, les écrits des grands écrivains (les anciens) et la poésie. C’est là une comparaison qui prouve, puisque notre société est heureuse, que dans l’éducation tout dépend de l’exemple, de même que, pour faire un bon dessinateur, tout dépend du modèle. En éducation le modèle, c’est l’exemple, et un modèle, n’est-ce pas une chose parfaite ?

Il faut donc nécessairement une logique invariable, absolue, sinon le système n’a plus de centre de gravité et vous courez les aventures de l’instabilité. La nature humaine est un organisme d’une