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Page:Revue des Deux Mondes - 1884 - tome 63.djvu/834

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per à la misère et de protéger l’existence de leurs enfans du sexe féminin : c’est la vente de l’enfant à une famille riche dans laquelle elle servira comme domestique.

Ce terme de vente choque les oreilles délicates et sent quelque peu l’esclavage ; mais il ne faut pas s’arrêter au mot. Les enfans vendues sont élevées par la famille qui les achète et les emploie à son service jusqu’à leur majorité. Elles sont alors dotées, puis mariées, et elles deviennent libres. Ces femmes, qui furent des enfans vendues, peuvent recevoir tous les droits que confère la maternité, et leur origine n’est pas une tache humiliante.

Ce sont là des usages qu’il faut accepter et ne pas blâmer, parce qu’ils viennent en aide à la famille trop nombreuse, et qu’ils favorisent même l’accroissement de la famille.

Il existe des familles en grand nombre qui conservent avec elles tous leurs enfans et leur prodiguent les plus tendres soins. La mère qui travaille aux champs en porte deux sur elle pendant qu’elle se penche péniblement vers la terre, lis sont attachés, l’un sur ses épaules, l’autre dans les plis de sa robe, et ils sourient aux oiseaux qui voltigent autour d’eux pendant que la pauvre mère poursuit son dur labeur.

Dans les villes flottantes j’ai même vu des enfans, attachés dans des paniers, attendant le retour de leur mère. Hélas ! la pauvreté a ses dangers, mais pourquoi n’aurait-elle pas ses dévoûmens comme la richesse, à qui tout est facile ? Les missionnaires ont fondé des hôpitaux et des écoles avec les sommes provenant de la moisson des petits sous. Ces établissemens rendent de grands services à la classe pauvre, et je n’ai pas à critiquer une œuvre qui fait le bien.

xiv. — les classes laborieuses.

j’ai cherché, dans les ouvrages les plus récens qui ont été écrits sur la Chine, quelle était l’opinion que l’organisation des classes laborieuses avait fait naître dans l’esprit des voyageurs européens.

Je n’ai pas osé traiter moi-même ce sujet, de crainte d’être considéré comme un optimiste qui voit toutes choses du fond de son cabinet d’étude et qui estime un peu le bonheur de l’humanité d’après le sien propre : ce qui arrive généralement à tous ceux qui écrivent sur les classes pauvres. On constate toujours deux faits : ou que les pauvres sont pauvres par leur faute, et alors ils sont indignes de pitié, ou qu’ils sont les êtres les plus heureux de la création.

Il est probable que je n’aurais pas échappé à cette critique.

J’ai donc ouvert les livres écrits par ceux qui ont vu : ce sont des