ce titre on veut proclamer le plus grand par la pensée. Son génie poétique a profondément remué son siècle, et il en sera l’orgueil parmi d’autres renommées glorieuses.
Tous les esprits qui cherchent à entrevoir une clarté dans le
domaine de l’idéal appartiennent à cette société d’hommes indépendans qu’on nomme les artistes. Leur société est exclusive ; elle
n’admet pas de faux frères et nul ne peut prendre le titre d’artiste
sans l’être. C’est une noblesse qui ne s’achète pas. J’ajouterai encore,
pour faire connaître toute ma pensée, que tous les artistes de tous
les pays se tendent la main par-dessus les frontières et font fi des
politiques qui prétendent les séparer. L’esprit humain, qui s’est
exercé aux audaces de l’inspiration, ne contrôle plus ni distances ni
passeports : plus l’âme s’élève, plus l’humanité grandit pour achever de se transfigurer dans la fraternité.
La plupart des inventions célèbres qui ont changé les civilisations et créé les révolutions dans les idées n’appartiennent généralement pas aux nations qui en sont favorisées.
Il est de fait qu’une idée aussitôt exprimée appartient à l’humanité. On comprend cependant qu’un peuple soit fier de ses découvertes quand elles définissent un progrès.
Les applications diverses de la vapeur et de l’électricité sont de merveilleuses inventions auxquelles ont concouru toutes les nations de l’Occident. Mais il est d’autres découvertes non moins précieuses qui proviennent de sources souvent très lointaines, dont on ne peut remonter le cours jusqu’à leur origine.
Telles sont les sciences exactes, qu’aucun pays de l’Occident ne peut se vanter d’avoir créées ; tels sont les caractères alphabétiques qui ont servi à écrire les sons ; tels sont les beaux-arts, qui ont eu leurs chefs-d’œuvre dans l’antiquité la plus reculée ; telles sont les langues modernes elles-mêmes, qui doivent leurs radicaux à une commune origine, le sanscrit ; telles sont les propriétés du magnétisme, importées de l’Orient, et qui ont permis de créer l’art de la navigation ; tels sont les genres littéraires, qui, tous, sans en excepter un seul, ont été créés dans le monde ancien. La poésie et toutes ses formes d’inspiration, depuis l’épopée jusqu’à l’idylle, le drame et la comédie, l’art oratoire, la fable, la métaphysique et toutes ses branches, la législation, la politique et ses nombreuses institutions, sont autant de genres représentés par des chefs-d’œuvre plus de deux mille ans avant le grand siècle de Louis XIV.
Les nations occidentales étaient plongées, il y a moins de six