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de Sombreuil à sir Johns, voilà sur quoi repose la croyance à la prétendue capitulation de Quiberon. Voilà les seules sources, — encore n’a-t-il pas cité la dernière, — auxquelles l’auteur de l’Histoire des émigrés pendant la révolution a puisé.

Il y en avait d’autres pourtant et qu’il semble difficile d’omettre: le témoignage de M. de Vauban, qui commandait le corps des chouans, celui de Hoche, ceux de Tallien et du représentant Blad en mission près l’armée des côtes de Brest.

Le récit de M. de Vauban a paru, sous l’empire, en 1806. Mais est-ce une raison pour en contester la sincérité? Il serait vraiment trop facile d’objecter que, si les relations de cette époque ne brillent pas par un excès de sympathie royaliste, celles qui furent publiées sous la restauration pèchent peut-être par l’excès contraire. Or voici ce récit : « On commençait à entendre les cris de : « Rendez-vous! bas les armes! on ne vous fera rien!.. » M. de Sombreuil voulut parler au général Humbert, mais il était impossible de l’approcher à cause du feu de la corvette. Le général républicain demanda, exigea qu’on le fît cesser. On eut beaucoup de peine à le faire; enfin, on y parvint et le feu cessa. Alors les républicains s’avancèrent. Les mêmes cris : « Rendez-vous! il faut vous rendre! » recommencèrent. On se rendit. »

De Hoche il nous reste trois versions : l’une datée du jour même de l’affaire et adressée par le général en chef à l’un de ses subordonnés, l’adjoint-général Lavalette, commandant à Lorient. On trouvera peut-être qu’elle manque de bon goût, mais en revanche, elle est d’une parfaite netteté : « N’ayant d’autre alternative que de se jeter à la mer ou d’être passés au fil de la baïonnette, la noble armée a mis bas les armes[1]. »

Le lendemain 22 juillet, dans son rapport à la convention, Hoche écrivait en termes presque identiques : « La présence de deux mille hommes dans la presqu’île a fait mettre bas les armes aux régimens d’Hervilly et d’Hector. La division du comte de Sombreuil, Loyal-Emigrant et les chouans ont fait mine de se défendre en se retirant du côté du port où ils devaient se rembarquer. Les têtes de colonnes ont été dirigées sur ces rebelles, et sept cents grenadiers, les tenant en échec, les ont contraints d’imiter leurs camarades, ce qu’ils firent, n’ayant d’autre espoir que de se jeter à la mer, ou d’être passés au fil de la baïonnette.

« Déjà les embarcations reportaient quelques chefs à bord, une vingtaine de coups de canon à mitraille les empêchèrent de revenir; et là, sur un rocher, en présence de l’escadre anglaise qui tirait

  1. Archives de la guerre (21 juillet).