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que M. Goblet n’a point cherché à établir une confusion qui ne peut se produire. Il n’existe à Paris qu’une charité, qu’une assistance publique, c’est celle dont le siège central est situé avenue Victoria n° 3, et que la constitution de 1848 a rendue obligatoire pour n’avoir pas à inscrire le droit au travail, que réclamait Proudhon et qu’appuyait l’éloquence de M. Billault, le futur ministre de la parole de Napoléon III, À cette heure, l’Hospitalité de nuit a donc une personnalité civile, elle peut posséder, recevoir des legs, accepter des donations ; elle en profitera.

Il ne suffisait pas d’avoir des dortoirs et des lits, d’y attirer, d’y retenir les noctambules ; il fallait mettre chacune des maisons hospitalières sous la direction d’un homme qui eût de la commisération parce qu’il avait vu la souffrance de près, qui eût l’habitude du commandement parce qu’il avait exercé l’autorité, qui eût la science de la discipline, parce qu’il avait appris à obéir. Ces trois conditions, indispensables en présence d’un public fort mélangé, où la paresse et la misère, le vice et la souffrance se côtoient, n’étaient point faciles à trouver réunies chez le même personnage ; on vit juste, et l’on choisit des capitaines retraités et décorés, auxquels le ruban rouge passé à la boutonnière et le képi à trois galons d’or donnent un prestige réel aux yeux de la tourbe famélique que l’on doit maintenir dans l’observation d’un règlement très paternel, mais assurant la bonne tenue de la maison. Les capitaines, — on les appelle toujours ainsi, — représentent le pouvoir exécutif ; c’est à eux que le comité a délégué l’autorité disciplinaire ; mais il s’est réservé l’autorité morale, qu’il exerce par ses vice-présidens, lesquels sont au nombre de trois et qui ont chacun une hôtellerie dans leurs attributions. La maison de la rue Tocqueville est placée sous la haute main de M. Ch. Garnier, ancien juge au tribunal de commerce, dont un de ses collègues me disait qu’il pousse la bonté jusqu’au paroxysme : il est familier aux actes de charité prolongée. Son gendre, M. Hamelin, que je me souviens d’avoir rencontré à Constantinople, au mois de novembre 1850, avait fondé un orphelinat de jeunes filles dans le quartier de La Glacière ; après la mort de M. Hamelin, M. Garnier a hérité de cette bonne œuvre, et il veille aujourd’hui sur trois cents orphelines qui, depuis la guerre de 1870, ont été transportées, grandissent et travaillent aux Andelys. la maison du boulevard de Vaugirard reçoit le comte Amédée Des Cars, qui semble s’être créé l’obligation d’apporter chaque soir quelques paroles d’encouragement à ceux qu’il appelle volontiers « mes bons amis. » La maison de la rue de Laghouat, qui a été aménagée sous la surveillance de M. Paul Leturc, secrétaire de l’œuvre, dont le dévoûment a été de toutes minutes, relève de M. Th. Sauzier, ancien notaire, à la