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un réseau étranger et lui devenir inutiles jusqu’à la date incertaine de leur retour ; enfin, tous les prix de transport devraient se ressentir de la lourdeur des frais généraux d’administration. Un mode aussi coûteux d’exploitation ne pouvait être favorable au développement du trafic local et il serait absolument préjudiciable aux intérêts généraux du pays.

L’Italie, disait-on, est un pays essentiellement agricole, et la douceur de son climat est le principal avantage qu’elle possède sur les autres contrées. Le sud de la Péninsule produit sans moyens artificiels, à peu de frais et en avance sur le reste de l’Europe, des légumes de primeur, des amandes, des figues, des raisins, des oranges, dont la qualité égale la précocité. C’est là un élément précieux de richesse et l’on jugera de son importance par ce seul fait qu’aux environs de Sorrente, la culture des légumes de primeur et des orangers a fait acquérir à certaines terres la valeur de 24,000 francs à l’hectare, prix sans exemple dans le reste de la Péninsule. Pour lutter sur les marchés allemands contre les produits similaires des provinces méridionales de l’Autriche, et pour soutenir sur le marché français la concurrence de l’Espagne, du Portugal et de l’Algérie, les fruits et les primeurs de l’Italie doivent arriver dans un état de fraîcheur irréprochable qu’un transport à très grande vitesse peut seul leur assurer ; mais il est également indispensable que les frais de ce transport rapide n’en élèvent pas le prix au-dessus des cours du marché. Aussi le gouvernement italien, qui a besoin de se concilier les provinces napolitaines, a-t-il, par une mesure législative spéciale, mis en dehors des calculs pour le rendement kilométrique et affranchi de la surtaxe sur les transports à grande vitesse les produits frais du sol à destination de l’étranger et transportés à grande vitesse dans les wagons dits réfrigérans. Les frais inhérens à tout accroissement de la vitesse sont tellement considérables que, pour ne pas se trouver en perte, l’exploitant doit chercher à les réduire soit en multipliant les quantités transportées, soit en augmentant la moyenne des parcours. L’expérience que le gouvernement italien tente en faveur des produits agricoles des provinces napolitaines serait impossible avec les réseaux transversaux qui n’auraient que de petits parcours ; d’une part, tous les transports à grande vitesse se traduiraient par une perte pour les exploitans, et, d’autre part, la multiplication inévitable des transbordemens serait pour la marchandise une cause de retards et de détérioration certaine. Quant aux marchandises de la petite vitesse pour lesquelles la durée du trajet est chose indifférente et surtout quant à celles dont la valeur est trop faible pour leur permettre de supporter des frais de transport élevés, les