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peuvent aider à les connaître et attacher un sens aux divers ensembles dont elles faisaient originairement partie. La paléontologie, la géographie, les lois qui président à la distribution actuelle et aux migrations des plantes dans les temps antérieurs aux nôtres, enfin les considérations délicates qui tiennent à la filiation des espèces, à l’ordre de succession des flores à travers le passé, les variations de climat, les mouvement de l’écorce terrestre, toutes ces questions naguère inconnues, maintenant à peine effleurées, relèvent également des travaux persévérans d’Oswald Heer et puisent dans ses recherches des élémens au moins partiels de solution.

Il est donc juste de s’arrêter devant une telle mémoire et, avant même que le temps en ait sanctionné la haute valeur, de l’interroger à l’heure où l’écho de cette voix éloquente vibre encore pour ceux qui l’écoutèrent avec profit. Il y a avantage pour tous, il me semble, à analyser l’œuvre alors que l’artisan, n’acceptant le repos que de la seule main de la mort, vient à peine de laisser tomber la plume. Aimant la science jusqu’à son dernier jour, tranquille et résigné, mais se refusant à l’abandon de sa tâche journalière, mourant, on peut le dire, avec la satisfaction raisonnée d’avoir achevé le septième volume de la Flore fossile arctique, une des productions les plus considérables du siècle, Oswald Heer se montre à nous comme un bénédictin de la science, accomplissant pour elle et en vue de la « paléophytologie, » ce que, dans d’autre temps, l’érudition inspira à des moines voués sans relâche à des recherches historiques ou religieuses.


I

Si l’œuvre est immense et durable, si elle constitue une mine inépuisable dans laquelle puiseront à pleines mains tous ceux que séduira l’attrait des plantes fossiles, l’homme, en revanche, — et le contraste n’est pas nouveau, — était plus que modeste. Retiré en lui-même, fuyant les distractions extérieures, les mouvemens inutiles et tout ce qui pouvait le détourner de sa tâche, il a rarement quitté Zurich, où le retenaient à la fois ses fonctions et ses chères études, où les documens à déchiffrer venaient le trouver des extrémités du monde. On peut dire que c’est dans un calme aussi laborieux que profond que s’écoula cette existence consacrée au culte de la science, qui, chez lui, n’excluait ni les élans vers Dieu, dont il admirait la puissance, ni cet amour de la patrie et des traditions suisses, qui constituait un des côtés de sa nature, à la fois pleine d’élévation et demeurée naïve, ouverte aux émotions de la jeunesse comme à celles de l’esprit et du cœur.