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Flore tertiaire de Suisse, dont le premier volume date de 1855. Cette œuvre magistrale ne fut précédée que par un simple essai ou coup d’œil. Divers opuscules sur des insectes fossiles datent de la même période, et si l’on pèse tous les indices, si l’on songe au stade de six années consacré par le jeune Heer au classement des collections de M. Escher-Zollikofer, on sera conduit à admettre que c’est par l’intermédiaire de l’entomologie qu’il aura été conduit à s’occuper, des plantes fossiles, qui devinrent presque aussitôt l’objet à peu près unique de son activité scientifique.

Il existe, non loin de Zurich, mais sur la rive droite du Rhin, après sa sortie du lac de Constance, un gisement célèbre, celui d’OEningen, dont les plaques minces, accumulées comme les feuillets d’un livre gigantesque, renferment d’innombrables empreintes d’insectes et de plantes. C’est là que Scheuchzer, il y a près d’un siècle et demi, avait signalé « le squelette d’un homme noyé par le déluge » (homo diluvii testis), que Cuvier, mieux avisé, assimila plus tard à une énorme salamandre. Tschudi donna au genre le nom d’Andrias, et, de nos jours, il a été démontré que ce genre existait encore dans les eaux douces du Japon, d’où il a été ramené vivant en Europe. Les lacs américains renferment également, sous le nom de Menopoma, un type salamandroïde à peine différent de celui d’OEningen et du Japon. Ainsi tout se tient, et, une fois exploré, le présent se trouve n’avoir rien à envier au passé, auquel des liens affaiblis, mais non toujours brisés, le relient assez fréquemment. OEningen a fourni de nos jours plus de six cents plantes et près de mille insectes fossiles, les uns et les autres décrits par l’infatigable Heer. Le plus riche dépôt du monde aura rencontré le savant le plus capable d’interpréter et d’illustrer ses trésors. Après avoir appris à épeler ce manuscrit, il en a lu toutes les pages et n’a cessé de les traduire jusqu’à la dernière heure de sa vie.

Il est peu de pays, je ne dirai pas en Europe, mais dans le monde, qui n’aient eu recours à Oswald Heer pour obtenir de lui la description de plantes fossiles recueillies sur une foule de points, à défaut de savans indigènes doués de connaissances assez spéciales. En Angleterre, ce sont les Lignites de Bovey-Tracey, dans le Devonshire, dont les plantes fossiles paraissent au jour sous le patronage de miss Burdett Coutts en 1863. L’Amérique lui est redevable, en 1866, des Phyllites crétacées du Nébraska ; l’Autriche, de la Flore de Moletein, en Moravie ; l’Allemagne, de celle de Quedlinburg ; la Prusse, de la Flore miocène baltique (Kœnigsberg, 1869) ; la Hongrie, d’une Flore des lignites de Zsély-Thales (Pest, 1872) ; la Norvège, de la Flore d’Andö. Je termine une énumération forcément