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marche lente, » selon le mot de Goethe, avait péniblement atteint Verdun. Les Prussiens ne songeaient pas à tenir dans cette place, mais ils avaient besoin de s’en couvrir quelques jours, et comme Dillon, qui les serrait de près, leur faisait beaucoup de mal avec l’artillerie de son avant-garde, ils eurent recours à l’expédient qui les avait jusque-là si bien servis. Le 8 octobre, Kalkreuth, un des lieutenans de Frédéric et un des combattans de la guerre de sept ans, demanda aux généraux français une conférence en vue d’une suspension d’armes. Les généraux La Barouillière et Galbaud se rendirent, à cet effet, aux avant-postes. Comme ils mettaient à l’armistice des conditions que le commandant en chef de l’armée prussienne pouvait seul décider, on l’appela. L’entretien se tourna, presque dès son début, sur les affaires générales. « Causons de votre nation, dit Brunswick ; je l’aime, et je l’ai prouvé plus d’une fois. Je suis fâché que Dumouriez, au sujet de mon dernier manifeste, ait pris la mouche pour quelques expressions insignifiantes qui s’y trouvent. Ces expressions se jettent dans le peuple, mais les personnes instruites savent les apprécier. » Galbaud fit observer que la nation ne pouvait admettre des négociations avec ceux qui niaient la souveraineté nationale. Un émigré vint à passer ; les deux Prussiens ne cachèrent point leurs sentimens pour ses pareils. « Je n’ai jamais aimé les traîtres, dit le duc, faites-en tout ce que vous voudrez, peu nous importe. Mais j’insiste pour que la nation française, connaissant mieux ses intérêts, revienne à des principes plus modérés. » La Barouillière répondit que la retraite de l’armée prussienne serait la meilleure preuve de ces dispositions. Les Français étaient en mesure de contraindre les Prussiens à évacuer le territoire, mais les Prussiens avaient intérêt à éviter toute effusion de sang. Ces propos ramenèrent les interlocuteurs à l’armistice, qui fut décidé pour une durée de vingt-quatre heures. On convint, en outre, qu’il y aurait une nouvelle conférence, dans laquelle on traiterait de la capitulation de Verdun. Mais le duc avait besoin de prendre auparavant les ordres du roi. a Je suis charmé, dit-il à La Barouillière en le quittant, d’avoir fait votre connaissance ; quant à vous, général Galbaud, j’ai vu avec plaisir un officier d’artillerie : vous m’avez montré, par votre batterie, un échantillon des talens de l’ancien corps royal. Continuez à bien servir votre patrie, et croyez que, malgré la teneur des manifestes, on ne peut s’empêcher d’estimer ceux qui travaillent avec loyauté à assurer l’indépendance de leur pays. » Après cet entretien, qui résume mieux que ne le pourrait faire une longue étude, les mœurs militaires du XVIIIe siècle, « le prince philosophe » se retira dans son camp, Dillon s’établit devant Verdun et somma la place de se rendre. Il s’agissait, pour les