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Page:Revue des Deux Mondes - 1884 - tome 64.djvu/619

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que 170 mètres, ou 0m,45 par jour, un tiers de moins qu’avec le travail à la main ! L’époque des tâtonnemens allait toutefois bientôt finir ; tous les perfectionnemens étaient enfin trouvés. On put désormais percer, avec les nouvelles machines perforatrices de Sommeiller mues par l’air comprimé, soixante trous à la fois, et chaque foret perçait un trou dix fois plus vite que le fleuret à main du mineur. En 1862, on fit ainsi à Bardonnèche plus de 1 mètre par jour ; en 1863, 1m,16 ; en 1865, 1m,70 ; enfin, en 1870, 2m,42 ; pendant quelques jours, on atteignit même un avancement maximum de 3 mètres.

Du côté de Modane, le travail à la main dura deux ans de plus que du côté de Bardonnèche, avec un avancement moyen de 0m,50 seulement par jour. Les machines perforatrices ne furent installées à Modane qu’en 1863, au mois de janvier. Elles eurent à subir moins de péripéties que du côté de Bardonnèche ; on avait plus d’expérience ; mais la roche, beaucoup plus résistante de ce côté, retarda le moment de l’achèvement. Dès le mois de juillet 1863, on se trouva dans l’obligation de percer 381 mètres d’une roche siliceuse très dure, très compacte, une sorte de quartzite. On n’avançait dans cette roche que de 0m,50 par jour, et à certains momens, de 0m,30 seulement. Le quartzite franchi, on marcha beaucoup plus vite, et, en 1870, on avança même d’un peu plus de 2 mètres par jour au maximum.

En somme, du côté de Bardonnèche, de 1857, ou, si l’on veut, (en prenant l’année de l’installation des machines), de 1861 à 1870, on a creusé 7,080 mètres de tunnel, et du côté de Modane, de la même époque, ou plutôt de 1868 à 1870, 5,153 mètres, soit en tout 12,233 mètres, qui représentent la longueur totale du tunnel du Mont-Cenis. Ce n’est pas au milieu du tunnel, mais à 1,000 mètres plus près de l’entrée nord ou de Modane, qu’on s’est rencontré. On a mis treize ans et quatre mois pour cet avancement total ; car c’est le 25 décembre 1870 que la sonde a traversé la dernière masse rocheuse qui séparait les deux galeries. La rencontre s’est faite presque mathématiquement, avec une déviation insignifiante de 0m,40 ou deux cinquièmes de mètre, tant les précautions avaient été minutieusement prises. En tenant compte des dates extrêmes des 31 août 1857 et 25 décembre 1870, écoulées entre le premier et le dernier coup de mine, soit treize ans et quatre mois, cela donne pour l’avancement journalier moyen dans le tunnel du Mont-Cenis 2m,60. Pendant tout ce temps, quinze à dix-huit cents ouvriers ont été occupés dans le tunnel. Le travail y a été très difficile, parfois périlleux, et la température souvent intolérable, 30 degrés et demi, dans un air très humide. L’anémie a fait un assez grand nombre de victimes.

C’est seulement dans le courant de l’année 1871 que tous les