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nouvelle voie. En revanche, nos ports du Midi, ceux de la Méditerranée, seraient sacrifiés, tels que Marseille et Cette. Le Mont-Cenis serait aussi tenu en échec. Ce serait contre eux tous une nouvelle concurrence ajoutée à celle du Gothard. Pour cette raison, la France n’est qu’à demi intéressée dans le projet du Simplon, quoi qu’en ait pu écrire et conseiller M. Marteau, comme conclusion à son second rapport sur le Saint-Gothard. D’ailleurs, notre situation financière est à cette heure trop engagée pour que nous songions à subventionner cette ligne. C’est à la compagnie du Simplon à s’entendre avec les compagnies françaises intéressées à cette œuvre, celles de l’Est d’abord, puis celle du Nord, et peut-être aussi celle de Paris-Lyon-Méditerranée ; mais il n’y a pas grand’chose à attendre sous forme de subventions des états traversés. La Suisse et l’Italie nous paraissent être aussi obérées que la France ; l’Italie surtout, qui renonce à cette heure à la coûteuse expérience qu’elle avait faite de l’exploitation des chemins de fer par l’état, trop heureuse de s’en débarrasser désormais sur les compagnies. Il est juste toutefois de reconnaître qu’en Suisse, l’assemblée fédérale a voté récemment une subvention de 4 millions et demi pour un tunnel dans la partie occidentale des Alpes suisses, et qu’en avril 1883, le conseil fédéral a fait des démarches auprès de la France et de l’Italie pour amener la réunion d’une conférence internationale qui résolût cette question ; mais c’est là tout et ce n’est pas assez.

Le Mont-Blanc. — C’est contre le projet du Simplon que le projet du Mont-Blanc a été présenté et défendu par M. Corbon, sénateur, et par M. Philippe, député de la Haute-Savoie. La première idée de percer le Mont-Blanc remonte à 1844, comme celle de percer le Mont-Cenis remontait déjà à 1841 ; mais le projet n’a pris corps qu’en 1873-1874, et c’est en 1875 qu’il a été présenté à Paris au congrès géographique international qui venait de se réunir. Le rapport législatif de 1873, fait par M. Cézanne, ingénieur des ponts et chaussées, qui rejetait le projet du Simplon ou du moins la subvention que la France lui aurait accordée, demandait qu’on s’assurât avant tout si, sur notre territoire, il ne se trouverait pas une voie meilleure, le Mont-Blanc, par exemple. Sur quoi une commission d’inspecteurs généraux des ponts et chaussées fat nommée, lesquels, après avoir comparé entre eux les divers projets pour un nouveau passage des Alpes, par le Mont-Saint-Bernard, le Simplon, le Mont-Blanc, donnèrent des conclusions favorables au Mont-Blanc. Ces conclusions furent soumises au conseil supérieur des ponts et chaussées, qui, après un mûr examen, se prononça aussi pour le Mont-Blanc. « la suite de cet avis, les études préparatoires des projets furent confiées à M. Godin de Lépinay, ingénieur en chef des ponts