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Page:Revue des Deux Mondes - 1884 - tome 64.djvu/661

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Florence, il étudiait avec curiosité les ossemens des morts innombrables qui y étaient conservés. Il fut bientôt connu pour l’un des plus habiles anatomistes de l’Italie. Cette célébrité dont il jouissait déjà de son vivant s’affirmait encore après sa mort, et deux siècles plus tard, l’illustre médecin Baglivi, parlant de Realdo Colombo, l’appelle « anatomiste d’une réputation immortelle. » De nombreux élèves, venus de tous les points de l’Europe, se pressaient à ses leçons, à Pise d’abord et ensuite à Padoue, où, en 15M, il remplaçait André Vesale dans la chaire que celui-ci avait illustrée. Précédemment, il n’avait pas craint de se mettre à l’école de l’anatomiste Hamand, plus jeune que lui de douze années, et de lui servir de prosecteur. Parmi ses auditeurs et ses aides, on comptait des étudians de toutes les nationalités : des Italiens, des Français, des Espagnols et, parmi ces derniers, un anatomiste connu, Valverde, qui partageait les travaux de Colombo et qui, plus tard, en 1556, devait publier à Rome un Traité de la composition du corps humain, où se trouve relatée la découverte de son maître. Le passage qui -contient cette mention est dans la dédicace, écrite dès 1554. De telle sorte que, moins d’un an après la mort de Servet, voici que la circulation pulmonaire était connue des anatomistes italiens et établie cette fois sur des preuves, sur des expériences que « j’ai faites, dit l’auteur, avec mon maître Realdo Colombo, tant sur des animaux vivans que sur des cadavres. » Valverde ne cite point Servet, et l’on ne croira pas facilement qu’il tienne de lui ces notions qu’il rapporte à son maître et qu’il a apprises, non dans quelque livre de théologie, mais sur le vif et, pour ainsi parler, dans le livre même de la nature. M. Chéreau a présenté avec force tous ces argumens, qui ne laissent point de place à l’hésitation.

Colombo s’était non-seulement en effet occupé de dissection, mais il avait scruté la nature sur des êtres vivans, sur des chiens et surtout sur des porcs, dont on pensait alors que c’était l’animal dont les fonctions physiologiques se rapprochent le plus de celles de l’homme. En 1554, il fit même à Pise, avec l’aide de Valverde, une curieuse expérience que celui-ci raconte, et qui consistait à comprimer et à laisser libres alternativement chez un jeune homme les artères principales de la tête : il produisait ainsi la torpeur du cerveau et la faisait cesser à volonté. Le nombre de ses expériences est considérable et si l’on n’en veut relever le détail dans ses œuvres mêmes. on le trouvera chez les historiens de la médecine, dans l’ouvrage de Sprengel et dans celui de Portal. Colombo savait le prix de cette méthode expérimentale à laquelle il demandait ses lumières. Il disait, à propos d’une certaine vivisection, qu’elle en apprenait « plus en une heure que trois mois de lecture des livres de Galien. » Et, chose remarquable, ces opérations qui soulèvent aujourd’hui la