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conséquent, une idée des variations subies par la flore du Groenland pendant la durée entière des temps crétacés. — C’est du cap de Staratschin que proviennent les plantes de la craie, au Spitzberg ; mais elles ne sont, ni très nombreuses, ni très significatives. Elles se rattachent au niveau le plus inférieur, celui de la craie ancienne ou « urgonienne. » Ce niveau est justement celui auquel se rapporte la riche flore du système de Kome ou des couches de Kome, recueillie dans divers gisemens situés le long de la côte nord de la presqu’île de Noursoak (70° 40′ lat. nord).

Cette flore est la première que nous rencontrions, après un assez large intervalle, à partir de celle du jurassique. Le temps a marché. Le véaldien, puis le néocomien, ces échelons inférieurs de la nouvelle série, ont été franchis et nous pouvons d’autant mieux juger, en prenant Heer pour guide, du véritable état de choses établi dans l’extrême Nord, qu’une flore urgonienne, c’est-à-dire contemporaine de celle de Kome, découverte à Werndorf, dans les Carpathes, permet de faire un rapprochement précis entre ce qu’étaient à ce moment le Groenland septentrional et l’Europe du Sud comparés entre eux.

L’abondance des gleichéniées, fougères actuellement intertropicales, et des cycadées, l’absence à peu près absolue d’arbres feuillus et la présence de la plupart des formes caractéristiques de la craie moyenne ou inférieure d’Europe, tout cela fait bien voir que, d’une façon générale, l’élévation de la température s’est maintenue et qu’il ne saurait s’agir dans tous les cas que d’un abaissement relatif à peine sensible. Voyons pourtant si celui dont nous avons cru saisir l’indice au sein de la végétation jurassique n’aurait pas accentué quelque peu ses progrès. Ce progrès consiste à nos yeux : dans la fréquence des séquoias, plus variés alors que dans aucun autre temps et qui demandent à la fois de l’humidité et une chaleur modérée ; dans celle des végétaux de la famille des pins et des sapins, dont la proportion excède évidemment ce que laissent voir les flores européennes du même âge ; enfin, dans la présence d’une feuille unique de peuplier, qui, malgré sa rareté, paraît authentique et emporterait la même signification. On voit que nous commençons à remonter les marches d’un escalier à spires multipliées.

La flore du système d’Atané est un nouvel échelon à gravir et l’un des plus décisifs. Les plantes qu’elle comprend et qui répondent à l’horizon de la craie moyenne ou moyenne supérieure ont été recueillies sur une foule de points, les uns situés au nord de l’Umana-Fiord, d’autres sur la côte occidentale de la presqu’île de Noursoak, d’autres encore un peu plus loin, le long des plages orientales de l’île de Disco, vers le 70e degré de latitude nord.