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exception. On n’a pas rencontré, jusqu’à présent, de dépôt ou gisement arctique qui paraisse en même temps tertiaire et postérieur à ceux d’où viennent les plantes dont nous avons parlé. En un mot, il semble qu’il n’y aurait qu’un seul niveau ou horizon de plantes tertiaires, éocènes pour nous, miocènes selon Heer. En dehors de cet horizon, aucun indice ne révélerait l’existence d’un état de choses intermédiaire entre la végétation arborescente dont nous avons décrit les merveilles et la florale herbacée ou rampante qui subsiste seule aujourd’hui. Il se peut que cette lacune tienne à l’imperfection des recherches, limitées forcément aux points que les glaces ne recouvrent pas ; mais il se peut, aussi qu’il y ait là une simple « illusion d’optique, » qu’une étude plus attentive des strates fossilifères parvienne à dissiper.

Nous avons dit, en effet, de la végétation tertiaire arctique, une fois constituée, qu’elle n’avait pas d’emprunts à faire, et qu’elle devait forcément tirer de son propre fonds tous les changemens à survenir. En un mot, les progrès de l’abaissement de température pouvaient bien éliminer certains types ou provoquer leur émigration, mais non pas en susciter de nouveaux, ni faire remonter le courant aux espèces refoulées, en les ramenant du sud au nord. Il est donc fort possible que les lits explorés, éocènes par la base ou le milieu, soient en réalité miocènes par le sommet, et que la végétation tertiaire arctique se soit appauvrie, tout en conservant jusqu’à la fin la même physionomie. L’ordre selon lequel beaucoup de ces plantes se sont introduites en Europe marque probablement celui quia dû présider, en dedans du cercle polaire, à leur élimination successive. Les lauriers disparurent évidemment les premiers, puis les séquoias, glyptostrobus, tulipiers, platane, ginkgo, châtaigniers et avec eux d’autres espèces, telles que l’érable trilobé et le planère qui jouèrent un rôle considérable dans l’Europe miocène et ne la quittèrent qu’à la fin de cet âge. Après ceux-ci disparurent encore de l’extrême Nord d’autres types comme les hêtres, sassafras, tilleuls, que nous voyons apparaître un peu plus tard que les premiers et qui occupent une place considérable dans la végétation du pliocène européen. Que resta-t-il à la zone arctique après le départ de ces végétaux et de plusieurs autres que nous négligeons de mentionner pour ne pas fatiguer l’esprit du lecteur ? Il resta des pins, des sapins, des aunes, des bouleaux et des trembles, des ormes, certains érables, aubépins, sorbiers et alisiers, enfin ce cortège d’essences ligneuses dont les bois sont encore formés soit en Amérique, soit en Asie, soit dans la Scandinavie boréale, aux approches du cercle polaire et le long de la ligne sinueuse qui marque sur notre globe le terme de la végétation arborescente, limite capricieuse qui