Page:Revue des Deux Mondes - 1884 - tome 64.djvu/959

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de Gordon, qui est toujours à Kartoum ! Pacifier l’Egypte, rétablir l’ordre et une administration régulière dans ces contrées du Nil, si profondément troublées depuis quelques années, ce n’est point une tâche aisée assurément, d’autant moins que, pour accomplir une telle œuvre, il y a toujours ces « difficultés financières » pour lesquelles l’Angleterre a réuni une conférence qui n’a conduit à rien. Il faut suffire aux dépenses de l’administration égyptienne, aux services garantis, aux frais de l’occupation, au paiement des indemnités assurées aux victimes des événemens d’Alexandrie ; il faut, en un mot, de l’argent, des emprunts, et en tout cela on se retrouve toujours en présence d’actes internationaux qui n’ont pas été modifiés, qui gardent leur valeur. L’Angleterre prendra-t-elle la responsabilité de tout, et par une mesure extrême, ira-t-elle jusqu’à déclarer son protectorat ou à décréter l’annexion de l’Egypte à l’empire britannique, après avoir si souvent désavoué devant l’Europe des projets semblables ? Elle ne serait pas sans doute le lendemain dans une situation plus commode. Il est bien facile de congédier une conférence, de se délier des engagemens gênans ; les questions ne subsistent pas moins tout entières, et c’est peut-être aujourd’hui que les vrais embarras commencent pour l’Angleterre soumise à une politique incertaine et équivoque.

La conférence de Londres a fini sans bruit comme sans résultat ; elle n’a été qu’un incident de cette vie européenne où se reproduisent chaque été les voyages des souverains, ces entrevues impériales ou royales, dont il ne faut pas sans doute exagérer la signification, qui ne laissent pas cependant d’avoir quelquefois leur importance. L’empereur Alexandre III de Russie se rencontrera-t-il cette année avec l’empereur François-Joseph d’Autriche ou avec l’empereur Guillaume, ou, mieux encore, les trois empereurs se rencontreront-ils avant la fin de l’automne dans quelque ville d’Allemagne ou de Pologne qui n’est pas jusqu’ici désignée ? On le dit, on assure que l’Europe reverra ce spectacle, et si une entrevue semblable se réalise, ce sera sans doute un signe de plus de ce rapprochement qui semble s’être opéré depuis quelques mois entre les trois empires pour la défense commune contre les propagandes révolutionnaires, qui s’est d’ailleurs manifesté par plus d’un acte à Berlin. Il est certain que les grandes cours du Nord, après avoir vainement essayé de nouer une action internationale plus étendue, se sont depuis quelque temps concertées entre elles pour organiser une répression collective des agitations socialistes, et l’entrevue des souverains dont on parle serait la confirmation de cette politique.

Pour le moment, le tsar Alexandre III n’est pas encore entré en scène, et la seule entrevue qui ait de l’importance est celle qui depuis longtemps se renouvelle tous les ans, qui s’est renouvelée tout récemment