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Ce n’est pas seulement l’instruction civique primaire qu’il faudrait étendre et fortifier : il faudrait créer l’instruction civique secondaire et l’instruction civique supérieure, car, à vrai dire, elles n’existent pas. Le cours de philosophie est lui-même insuffisant sous ce rapport : la morale civique n’y est traitée qu’en passant et d’une manière vague ; le droit constitutionnel et le droit usuel sont absens. Nous réclamions ici même, il y a quelques années, l’introduction de l’économie politique : depuis ce temps, elle a en effet obtenu une petite place dans les programmes. Aujourd’hui il faut réclamer une instruction politique et juridique[1]. Quant à l’instruction politique supérieure, elle est ce qu’il y a de plus incomplet en France. En Allemagne, dans toutes les universités, il y a plusieurs chaires de droit public et de science sociale. De même en Hollande, en Belgique et en Italie. C’est une chaire de ce genre que M. Bluntschli a occupée à Heidelberg : croit-on qu’un professeur de ce talent n’ait pas rendu de grands services dans un cours aussi important ? Chez nous, les lacunes de l’instruction politique supérieure sont si apparentes qu’il s’est organisé à Paris une École libre des sciences politiques, qui réussit. On a dit avec raison que la France, plus que tout autre pays, devrait avoir partout des professeurs chargés d’étudier les conditions du meilleur gouvernement, de communiquer au public le résultat de leurs études, puisque tous les vingt ans la France renverse son gouvernement ou en cherche un meilleur. L’étude scientifique des questions politiques calmerait sans doute cette ardeur de changement, en montrant à tous les difficultés des questions. Au lieu de cela, on se contente des plans d’organisation sociale improvisés par les journalistes. En Belgique,

  1. En Belgique, on explique la constitution belge dans tous les établissemens d’instruction secondaire. Cette instruction serait à sa place dans les classes de rhétorique et de philosophie. La morale civique et le droit usuel n’exigent pas de préparation spéciale, et un élève de rhétorique pourrait déjà en recevoir les premiers élément pour laisser à ces études leur juste part : dans la classe de philosophie, on reporterait dans les classes précédentes une partie du programme actuel de logique, de morale et même d’esthétique. Les professeurs de sciences seraient chargés de faire eux-mêmes une ou deux leçons sur la méthode propre de leur science. Le professeur d’histoire ferait une ou deux leçons sur la méthode historique. Le professeur de rhétorique pourrait déjà donner quelques notions sur les arts. On déchargerait ainsi le programme de philosophie ; on y laisserait de la place pour un cours de droit politique et de droit usuel, qui serait fait au besoin par un professeur spécial.