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OLIVIER MAUGANT


PREMIÈRE PARTIE.


I.

Quand Olivier Maugant pensait à ses premières années, il croyait voir quelque chose de gris comme un brouillard d’automne. On l’avait mis tout petit au collège, il lui semblait qu’il y était né. Son père et sa mère étant toujours absens de Paris, il avait connu plus que personne les mélancolies de l’internat. La ressource de ses dimanches, comme de ses vacances, était son grand-père maternel, qui, après avoir amassé quelque fortune dans le métier de fabricant de bâches et de prélarts, s’étant retiré de bonne heure des affaires, vivait à Brunoy en philosophe qui cultive son jardin et y renferme ses affections. Ce philosophe était un grand indifférent. Lorsqu’il voyait son petit-fils, il lui pinçait la joue et disait :

— À présent, garçon, va-t’en courir. Ne fais pas de bruit, et ne touche à rien.

Olivier ne faisait pas de bruit et ne touchait point aux espaliers. Il s’en allait canoter sur l’Yères, Quand il était las de ramer, il s’asseyait sous un arbre et arrachait des brins d’herbe en pensant à beaucoup de choses qui n’étaient pas gaies. Il entrait à peine dans sa dixième année lorsqu’il perdit son père. Il s’en consola bientôt, il ne le voyait jamais. Sa mère, qu’il voyait