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Page:Revue des Deux Mondes - 1884 - tome 65.djvu/379

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ne quittait plus son palais, transformé en forteresse. Pourtant, en octobre 1813, une poignée d’hommes déterminés réussit à franchir la Porte-Sacrée, peut-être par trahison, et à escalader le mur qui isole l’habitation de l’empereur. ; trois d’entre eux arrivèrent jusqu’à la chambre à coucher de Kia-King, qui s’enfuit éperdu. Son second fils, Minning, accourut à ses cris avec un fusil et tua deux des assaillans, tandis qu’un neveu de l’empereur avait raison du troisième. La lutte continua dans l’enceinte du palais, puis dans les rues de Pékin, avec une extrême vivacité, et ce fut seulement au bout de deux jours et d’une nuit que la garde impériale redevint maîtresse de la capitale. Quant aux deux provinces insurgées, il fallut, pour les réduire, une série de combats.

La fréquence et la gravité de ces insurrections suffisent à montrer combien l’autorité de la dynastie mandchoue était déjà ébranlée. Cependant, la cour de Pékin était loin de rien rabattre de ses prétentions et des exigences de son étiquette. Le Fils du Ciel était le centre du monde, tous les peuples de la terre étaient ou ses sujets ou ses tributaires, et son titre officiel, traduction littérale de cette situation unique, rendait toute assimilation et toute égalité impossibles entre l’empereur de la Chine et tout autre prince. La suprématie universelle que ce titre de souverain seigneur de la terre impliquait cessait d’exister si elle était partagée avec quelqu’un. Aussi la prétention des princes européens de traiter d’égal à égal avec le maître du Céleste-Empire a été, dès le début, considérée comme un outrage par la cour de Pékin, et il n’est pas certain, tant sont grandes les ressources de la phraséologie chinoise, qu’on n’ait pas imaginé quelque formule qui sauvegarde les prétentions du Fils du Ciel. Quand Kia-King monta sur le trône, les relations de la Chine avec l’Europe se réduisaient à quelques opérations commerciales, concentrées dans l’unique ville de Canton. La compagnie des Indes en avait le monopole pour l’Angleterre, et le nombre des commerçans appartenant à d’autres nations était extrêmement restreint. En 1808, les Anglais occupèrent Macao : les Chinois en manifestèrent la plus vive indignation, comme d’une usurpation sur les droits de leur souverain. Le vice-roi de Canton interdit de fournir des provisions aux barbares et suspendit toutes les relations commerciales. L’amiral anglais Drury voulut imposer au vice-roi de le recevoir et de lever l’interdiction, et il lui envoya à cet effet un ultimatum. Ne recevant pas de réponse, il remonta la rivière de Canton avec son escadre, mais l’examen de la position et les préparatifs de résistance qui avaient été faits le convainquirent de l’impossibilité d’exécuter ses menaces ; il redescendit la rivière sans avoir tiré un coup de canon. Au bout de trois mois, le manque de provisions contraignit les Anglais à évacuer Macao. Leur départ fut salué par les