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faible étendue, que souvent des îles ont une flore et une faune vraiment pauvres. A voir le monde actuel, la règle n’est pourtant point absolue, mais la cause d’une exception se décèle à nos yeux comme une preuve des changemens qui se sont produits à une époque ou récente ou reculée. Une île d’une médiocre superficie a-t-elle une végétation riche et variée, une faune nombreuse et brillante, cette île a été la dépendance d’un continent, ou, si jamais elle ne fut rattachée à une autre terre, elle a eu, dans les âges antérieurs, une extension différente. Toutes les observations concernant les plantes et les animaux semblent attester que chaque espèce n’a paru tout d’abord que sur un espace circonscrit du globe ; la dissémination s’est faite ensuite dans des limites larges ou restreintes. Ces données, qui résultent d’une multitude de recherches attentives, doivent répandre une lumière toute nouvelle sur la géographie physique, — la véritable géographie, — car on n’a pas la connaissance exacte d’un pays tant qu’on ignore ce qui vit sur le sol. Les considérations tirées de la nature des êtres nous permettent de reconstituer l’histoire du globe dans les siècles passés. Apercevons-nous sur une île un escargot rampant parmi les herbes, un insecte dépourvu de puissans moyens de locomotion qui erre sous nos pas, aussitôt des problèmes s’offrent à notre esprit dont la solution amène des notions d’une importance capitale. La présence de ces infimes créatures fait surgir l’idée d’une recherche. Ont-elles paru pour la première fois sur cette terre isolée ? Sont-elles d’espèces différentes de celles qui habitent les terres les plus voisines, ou appartiennent-elles aux mêmes espèces ? La reconnaissance de semblables faits, contrôlés les uns par les autres et recueillis en aussi grand nombre que possible, nous renseignera sur les événemens géologiques antérieurs. Si la plupart des espèces de l’île sont les mêmes que celles d’un continent ou d’une grande terre plus ou moins éloignée, il y aura certitude qu’un affaissement du sol a produit la séparation d’une parcelle du continent. Dans l’autre cas, au contraire, on pourra déclarer qu’il n’y eut jamais pareille union.

On sait que des rivages se sont étendus par suite de la formation de bancs de coraux. Ces parties nouvelles recevant des poussières mêlées de terre se consolident, une végétation s’y développe, des animaux s’y répandent, mais végétaux et animaux ne sont autres que ceux qui sont venus du voisinage. Sur certains points des océans se sont élevées des îles, ou par suite d’actions volcaniques, ou par des formations de coraux ; elles n’ont reçu que des terres se trouvant à quelque proximité la végétation qu’elles portent, les animaux qu’on y rencontre ; elles ne montrent rien de particulier. Flore et faune attesteront une extrême misère, et la misère sera