Marguerite. Le congédiant d’un geste dédaigneux : « Je vous serai toujours une ennemie mortelle. »
Duguast commença le premier les hostilités. Il avait sous sa main, pour auxiliaire, la femme la plus corrompue de la cour, Mme de Sauve, en son nom Charlotte de Beaune, l’une des dames d’honneur de Catherine. Rivale en beauté de Marguerite, Charlotte de Sauve lui était de beaucoup supérieure en tant que science de la vie et conduite de la galanterie, « Elle se jouoit de tous ses amoureux avec un empire si absolu, nous dit notre vieil historien Mézeray, qu’elle n’en perdoit pas un, quoi qu’elle en acquît toujours de nouveaux. » Rien de plus gracieux que le portrait qui nous est resté d’elle. Sa tête mutine est encadrée dans une large et mince fraise ; ses cheveux abondans et relevés droit dégagent le front et l’élargissent ; il y a de la chatte, de la race féline dans sa bouche mignonne ; l’oreille, au bout de laquelle pend une grosse perle, est celle d’un enfant ; le nez aquilin est délicatement modelé ; les joues sont pleines et arrondies ; les yeux bien fendus et provocans semblent vous regarder ; le crayon de couleur en a rendu la flamme : toute la femme est dans ce regard, qui a brûlé tous les papillons d’un demi-siècle. Enfermés à Vincennes, le roi de Navarre et le duc d’Alençon n’y avaient d’autre divertissement que de « faire voler des cailles dans leur chambre par un émerillon. » Mme de Sauve n’eut qu’à les regarder pour les affoler. Jaloux l’un de l’autre, d’amis qu’ils étaient, ils devinrent ennemis. C’était le but que s’était proposé Duguast ; c’était le rôle qu’il avait donné à jouer à la belle Charlotte.
Cependant les jours de Charles IX étaient comptés, il s’éteignit le 31 mai. Marguerite perdait en lui tout ce qu’elle pouvait perdre ; elle allait rester sans défense, exposée à la haine de son frère et aux intrigues de Duguast. Mais cette fois, du moins, elle allait pouvoir s’appuyer sur un bras plus fort que celui de l’efféminé La Môle, dont, parodiant le nom, on disait après sa mort : « Il a vécu mollement ; qu’il repose mollement. » Elle allait s’appuyer sur Bussy d’Amboise, « ce vaillant qui portoit sur la pointe de son épée l’honneur de sa dame, sans qu’on y osât toucher. » Les dames aiment les braves : Marguerite, jusqu’alors si discrète dans ses Mémoires, qui pèchent surtout par péchés d’omission, quand elle vient à parler de Bussy, n’est plus maîtresse de sa plume : « il n’y avoit en ce siècle, écrit-elle, rien de semblable en valeur, réputation, grâce et esprit. »
Après s’être attaché à la personne d’Henri III, Bussy s’était donné au duc d’Alençon. Le frère et la sœur étant toujours ensemble, Bussy s’était trouvé naturellement rapproché de Marguerite. La