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Page:Revue des Deux Mondes - 1884 - tome 65.djvu/590

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prirent position un peu au-delà du village de Palaiseau. Larchamp de Grimouville, leur capitaine, se tint longtemps immobile en tête de la colonne, les yeux fixés sur le long ruban de route qui se déroulait devant lui. Enfin, aussi loin que sa vue pouvait porter, il aperçut le carrosse de la reine, qui, escorté par quelques cavaliers, venait grand train. Quand il ne fut plus qu’à une petite distance, sur son ordre les archers s’ébranlèrent. Les uns prirent par la bride les chevaux de deux amazones qui suivaient le carrosse, les autres se saisirent de l’écuyer qui chevauchait à la portière de droite et de huit ou dix des cavaliers de l’escorte, et, au grand trot de leurs montures, ils emmenèrent leurs prisonniers. Alors Larchamp mit pied à terre, et, se rapprochant du carrosse, il en ouvrit brusquement la portière. La reine y était seule ; un masque cachait son visage. Larchamp le souleva brutalement. « Misérable, tu oses porter la main sur la sœur de ton roi I cria Marguerite d’une voix étouffée par la colère. — J’obéis à un ordre, dit Larchamp. — Tuez-moi, alors, sans plus me faire languir. » Sans répondre, Larchamp referma la portière et fit retourner les chevaux. Le carrosse reprit lentement la route de Palaiseau. L’escorte était réduite à quatre cavaliers.

Conduits à Montargis, les prisonniers furent placés dans des chambres séparées de l’abbaye de Ferrières et mis au secret jusqu’à leur interrogatoire. Qui donc allait être le juge ? Henri III en personne. Et sur quoi allait-il interroger les serviteurs de Marguerite ? Sur les déportemens de leur maîtresse, et Mme de Duras et Mlle de Béthune, ses dames d’honneur, sur l’accusation qu’on leur imputait d’avoir favorisé l’accouchement clandestin de la reine. Quel moment avait-il choisi pour cette honteuse besogne ? Le moment où Catherine de Médicis était à La Fère auprès du duc d’Anjou, déjà atteint du mal qui devait l’emporter l’année suivante.

A la nouvelle de la honte infligée à Marguerite, Catherine fut outrée de douleur. Ne pouvant venir retrouver Henri III aussitôt qu’elle l’aurait voulu, elle lui dépêcha l’archevêque de Langres, et obtint, par son intercession, la mise en liberté des prisonniers déjà envoyés à la Bastille. Mais le roi exigea que ni Mme de Duras ni Mlle de Béthune ne retournassent auprès de leur maîtresse, qui s’était réfugiée à Vendôme.


HECTOR DE LA FERRIERE.