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quelques mots, au risque de paraître anticiper sur la partie économique de ces études. Les propriétés cultivables sont évaluées en unités dites sillons, qui comprennent deux pieds de large de la terre sur une quarantaine de mètres de longueur et d’une valeur approximative de 10 francs. Le morcellement est tel que les 70 hectares en culture n’étaient pas subdivisés en moins de 3,765 parcelles d’après le cadastre de 1842. D’un « débornement » d’une partie des terres d’Hoëdick, fait en 1807 par René Le Berre de Saint-Gildas, il résulte que les deux plus grandes pièces se composaient alors de 13 sillons. Après celles-ci, viennent quelques parcelles de 12, 11, 9, 4, 3, 2 sillons. En s’accroissant, la population a multiplié les parcelles au point qu’il en est aujourd’hui de taillées en un demi-sillon ; bien plus, un de ces demi-sillons est travaillé et récolté alternativement par trois familles, auxquelles il appartient indivis. C’est ce morcellement trop excessif qui a provoqué le remède qu’on a cherché dans une sorte de communauté. Ces propriétaires minuscules labourent ensemble plusieurs parcelles et font en commun la moisson et d’autres opérations agricoles. Ils partagent ensuite les profits proportionnellement ; arrangemens facilités par le lien de parenté dans une localité où les alliances ont lieu exclusivement entre les familles établies. On ne compte guère, dans ces îles, qu’une dizaine de noms de famille.

C’est aussi par des efforts collectifs que sont accomplis tous les travaux publics, si nécessaires à ces insulaires pour se défendre contre les élémens ou pour divers besoins communs. Ils ont été exécutés et le sont encore sous la direction du curé, qui en conçoit presque toujours l’idée. Le manque d’initiative, est-il besoin de le remarquer ? est le défaut fondamental de pareilles institutions et coutumes. On doit, d’ailleurs, louer les sentimens de fraternité habituels aux indigènes chez lesquels le christianisme a développé la charité et le dévoûment à un haut degré et maintenu les bonnes mœurs.

On comprend qu’avec un tel régime, qui emporte chez l’individu la négation des énergies intellectuelles et morales soumises à une sorte de minorité indéfinie, les curés succombent sous la quantité des tâches qui leur sont dévolues. Ils adressaient naguère au ministre des cultes une pétition pour qu’on leur maintint une somme de 200 francs, alléguant les peines qu’ils étaient obligés de prendre en dehors de leur ministère spirituel, faute de personnes capables de remplir les emplois civils. Cela suffit pour attester le peu d’avancement de ces Bretons insulaires, bien que, dès longtemps, l’instruction primaire soit répandue chez eux. L’intempérance est réprimée et même