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Les Basques furent, parmi les étrangers, les premiers à entreprendre l’élevage du bétail. Plus tard seulement, vers 1845, les Irlandais se firent une spécialité de l’élevage du mouton. Les produits de ces troupeaux n’eurent que peu ou point de valeur jusqu’au jour où des industriels français se préoccupèrent des richesses gaspillées de la pampa. Nous avons décrit ici même[1] l’industrie des saladeros, dont le véritable créateur fut M. Antoine Cambacérès, ingénieur, qui s’était rendu à La Plata sur les conseils de Rivadavia et dont le fils aujourd’hui encore est resté fidèle à cette industrie, presque disparue, qui l’a enrichi en même temps que le pays où son père l’a créée et perfectionnée.

Ce qu’un Français avait réalisé pour le gros bétail, des Français le firent, en 1842, pour la laine absolument dédaignée. Ils payèrent les premières laines et les premières peaux de moutons 0 fr. 05 le kilogramme et en exportèrent la première année quelques ballots. Leur exemple fut suivi, leurs leçons écoutées, les bergeries de Rambouillet fournirent des béliers de choix et la production, augmentant, chaque année, en raison inverse de l’ardeur des partis politiques, atteignit les résultats que l’on peut constater aujourd’hui. Cette laine, que l’on payait alors par faveur 0 fr. 05 le kilogramme, ne se vend jamais moins de 1 franc et jusqu’à 2 sur les lieux mêmes d’élevage ; l’exportation atteint 150 millions de kilogrammes, fournis par 75 millions de moutons d’une valeur ensemble de 375 millions de francs, rendant un produit brut annuel de 225 millions, qui se répartissent entre propriétaires, bergers et travailleurs auxiliaires, laissant aux mains de chacun des profits considérables en comparaison du capital employé et de l’effort fait, grâce à la clémence du ciel, à la fertilité du sol, qui font, de ce pays celui du monde où le bétail s’élève et se multiplie à moins de frais. Il est facile de supputer ce que ces deux industries, dont le premier développement est dû à des Français, ont rapporté à la France. Les registres de notre douane relèvent pour 267 millions de francs d’échanges en 1883 entre les deux pays ; ce ne sont pas moins de 5 milliards pour les trente dernières années. C’est aussi pendant cette période que l’émigration a pris des proportions considérables. Arrêtée jusqu’en 1846 par l’état de guerre auquel mît fin le brillant combat d’Obligado, où la flotte française triomphante, sous le commandement de l’amiral Tréhouart, ne put que rendre une justice mérités

  1. Voir la Revue du 15 janvier 1876.