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les flots le bercèrent. Il vint échouer sur un rivage, où le recueillit un de ses ancêtres, qui, l’ayant emporté dans sa maison, le suspendit au toit afin que la fumée et l’air chaud vinssent le réconforter. Il grandit dans cette maison ; on lai comptait quatre frères, mais lui, le plus jeune, était le plus puissant. Ses frères affectaient de le mépriser ; il s’en dédommageait bien en leur rendant avec usure le mal pour le mal. Sa mère et sa grand’mère avaient à s’en plaindre et on l’accusait d’une grande impiété. N’avait-il pas pris la mâchoire de son grand-père pour en fabriquer un gros hameçon ! Un des actes brillans de Mawi fut d’attacher le soleil à la lune, de façon qu’en s’abaissant, il obligeât par son poids supérieur la lune à se lever pour éclairer la terre en son absence. Un autre acte mémorable de Mawi fut, un matin, d’attraper le soleil dans un filet lorsqu’il parut à l’horizon et de le battre sans merci afin de l’estropier et de rendre sa marche plus lente. Ainsi, assurent les Néo-Zélandais, est-il parvenu à augmenter la durée des jours. Les Maoris arrivant des tropiques en la belle saison avaient trouvé, à la Nouvelle-Zélande, les jours plus longs. Ce fait expliquera le phénomène attribué à Mawi.

Tous les exploits de Mawi n’ont pas la même importance. Mawi ne dédaigne pas la vie simple des hommes. En compagnie de ses frères, il va chercher des tiges flexibles et fabrique des paniers propres à prendre des anguilles. Ses frères n’ayant pris soin de fermer aucune ouverture de leurs paniers, les anguilles qui entraient d’un côté sortaient de l’autre. Mawi, qui n’excellait pas moins à la pêche que dans l’art de tendre des pièges aux oiseaux, étant mieux avisé, disposait d’un appareil bien confectionné et prenait quantité de poissons. Ce que voyant, ses frères le forcent à passer dans un autre canot, ne voulant plus l’admettre parmi eux. Mawi se change en oiseau et vient se percher sur leur embarcation. Se trouvant tout de suite reconnu, il reprend sa forme primitive. Ses frères vont jusqu’à lui refuser de lui prêter une ligne et des appâts. Alors, le puissant personnage saisit le gros hameçon qu’il avait façonné avec la mâchoire de son grand-père et jette sa ligne ; au bout de quelques instans, il s’aperçoit que c’est très lourd, mais il multiplie l’effort et, après plusieurs secousses, il amène une terre : c’était la Nouvelle-Zélande, ou du moins Tee-Ika-a-Mawi, c’est-à-dire le poisson de Mawi. Le grand poisson fut criblé de coups par les frères du héros ; ainsi a-t-on donné la cause des inégalités du sol formant les montagnes et les vallées. La dernière entreprise de Mawi le conduit à une catastrophe. Poussé par le désir de se rendre immortel en buvant de l’eau qui perpétue la vie, il essaie de s’introduire dans la Vallée de la Nuit, une gorge profonde où se trouve la source enchantée ; mais la Nuit, qui attire tout le monde dans sa demeure, ne laisse personne en sortir. Mawi avait déjà passé la moitié du corps