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courber ou ramper par la franchir. Outre la porte, on remarquait une ouverture destinée au passage de la fumée. Ces cases, solidement construites, avaient l’avantage d’être chaudes en hiver et fraîches en été. Nous devons à M. Paris le dessin de la maison de Pomaré, le grand chef de la baie des lies à l’époque de la visite de l’Astrolabe en 1826[1]. Cette maison est surmontée d’un toit fort incliné qui dépasse considérablement les murs ; c’est d’un effet bizarre. Ainsi qu’il était accoutumé pour les habitations des chefs, il y avait des sculptures aux sommets et aux extrémités. Des hangars qui servaient pour les repas étaient aussi employés à divers usages domestiques. Les villages, établis d’ordinaire sur des hauteurs peu accessibles, étaient entourés de fortifications ou d’ouvrages de défense si parfaitement combinés, si artistement disposés, que ces pah, ou villages fortifiés, excitèrent l’admiration des navigateurs et de tous les hommes de guerre. Nous en avons rapporté des descriptions.

Où les insulaires déployaient un art étonnant et une patience presque inouïe, c’était dans la construction de leurs canots et de leurs magnifiques pirogues de guerre, capables de porter plus d’une centaine d’hommes. Abattre des pins kauri ou totara avec des haches de pierre semble une opération déjà bien considérable ; mais, ensuite, travailler un immense tronc avec des cailloux aiguisés et des coquilles est une œuvre qu’on croirait dépasser les forces humaines. On ne comptait pas le temps, il est vrai ; souvent, plus d’une année était employée pour la confection d’une de ces pirogues dont les marins de France et d’Angleterre se plaisent à considérer l’élégance et les qualités nautiques. C’était là aussi que les artistes mettaient leur talent dans la sculpture de la tête qu’on plaçait à la proue et dans tous les ornemens dont on agrémentait le léger navire. Le jour où les Néo-Zélandais disposèrent de bons outils de fer qu’ils tenaient des Européens, loin d’accomplir un progrès, ils laissèrent décliner leur industrie. Combien de fois les voyageurs n’ont-ils pas été frappés de l’adresse des Maoris ! A les voir élever leurs abris, ils s’émerveillaient. En voyage, au moment d’une halte, comme par enchantement se dressaient des cases vraiment convenables ; dans l’espace de quelques heures, une ville était improvisée. Les premiers pasteurs évangéliques installés dans l’île du Nord en firent la réflexion au sujet d’un événement qui causa la mort d’un de leurs compatriotes. Un botaniste distingué, Cunningham, errait à la recherche des plantes ; survint la pluie, il se blottit sous les arbres, où la nuit ne tarda point à le surprendre. Incapable de retrouver son chemin, il dut rester dans la forêt et, frissonnant sous le froid et l’humidité, il contracta une maladie qui bientôt l’emporta. C’est

  1. Aujourd’hui vice-amiral Pâris, membre de l’Académie des Sciences.