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faire : 1° que l’ébullition peut se faire aux températures les plus basses, pourvu que la pression soit suffisamment diminuée ; 2° qu’elle est toujours accompagnée d’un emprunt de chaleur ; 3° qu’elle abaisse la température du liquide au-dessous de l’enceinte et d’autant plus que le vide est meilleur.

Si le lecteur a pu surmonter jusqu’au bout la fatigue de cette longue leçon de physique, il comprendra et même devinera sans peine les utiles et curieuses propriétés que vont lui offrir les gaz liquéfiés. Elles dérivent toutes de ce que le point d’ébullition de chacun d’eux est plus bas que la température de l’air ambiant ; il est de 12 degrés au-dessous de zéro pour l’acide sulfureux, de — 78° pour l’acide carbonique ; il descend jusqu’à — 80° pour le protoxyde d’azote. Dès lors, ces liquides placés dans l’air sont dans les mêmes conditions relatives que l’eau dans un four échauffé. Nous ayons dit que, pour l’y conserver, il fallait opposer une résistance à son expansion, l’enfermer dans la marmite de Papin ; il faudra de la même manière enfermer les gaz liquéfiés dans des réservoirs à parois épaisses, surtout éviter de les échauffer, si l’on veut éviter ces terribles explosions qui ont tant de fois mis en péril la vie de Faraday et causé la mort d’un jeune préparateur à l’École de médecine. A — 1° degré, la force d’expansion de l’acide carbonique atteint 37 atmosphères. A 40 degrés, rien n’y pourrait résister.

Mais, de même qu’une soupape soulevée laisse échapper la vapeur accumulée au-dessus de l’eau dans la marmite de Papin et détermine un abaissement de température considérable, de même il suffit d’ouvrir les réservoirs où l’on conserve un gaz liquéfié pour qu’il se refroidisse jusqu’à son point d’ébullition. Prenons comme exemple le liquide obtenu par la compression de l’acide sulfureux ; aussitôt qu’on ouvre le réservoir qui le contient, il se met en ébullition très vive, la vapeur se forme, c’est le gaz qui se régénère ; elle absorbe la chaleur latente qui lui est nécessaire ; elle la reçoit des corps extérieurs par rayonnement ; elle la prend au liquide lui-même, au vase qui le contient, aux matières que l’on y plonge ; elle les refroidit progressivement tant qu’elle n’a pas atteint la limite fixe de 12 degrés au-dessous de zéro qui est le point d’ébullition de l’acide sulfureux ; alors ce liquide est en équilibre entre deux causes de variation inverses, le rayonnement qui tend à le réchauffer, la vaporisation qui le refroidit. Le résultat final est que la température a diminué et demeure fixe à — 12 degrés.

Ce n’est pas tout encore : de même que le point d’ébullition de l’eau s’abaisse au-dessous de 100 degrés dans le vide, de même celui de l’acide sulfureux recule au-dessous de — 12 degrés. Bussy l’a vu atteindre — 68 degrés, et y persister ; non-seulement l’eau, mais