que le régime des maisons centrales imprime aux détenus une terreur salutaire. Tous ceux que l’exercice de leur emploi met fréquemment en relations avec les prévenus savent combien l’envoi à la centrale est redouté par eux. »
Interrogez les fonctionnaires qui ont eu la direction délicate des pénitenciers, tous vous diront que les pénalités actuelles infligées dans l’intérieur des bagnes sont ridiculement insuffisantes. Un transporté s’évade ; libre, il va dans l’intérieur, où, pour vivre, il faut qu’il vole. Arrêté par la gendarmerie ou la police locale, on le ramène pieds et poings liés pour passer aussitôt devant un conseil de guerre. Le tribunal le condamne soit à la double chaîne, soit à dix ou vingt ans de travaux forcés. La sentence frappe parfois un transporté à perpétuité ou un malfaiteur qui a encore dix ou quinze ans de bagne à purger pour une condamnation antérieure. Que peut lui infliger le tribunal? Une aggravation de peine. Quel effet produit une telle sentence ? Aucun, et nous pourrions citer des forçats qui, si Dieu leur prêtait vie, ne verraient finir leur temps qu’après le premier quart du XXe siècle ! Un transporté commet un assassinat; le conseil de guerre condamne à la peine de mort le coupable ; la sentence est bien rendue, mais elle n’est jamais exécutée. Le gouverneur de la Nouvelle-Calédonie ne peut faire tomber une tête sans l’autorisation du président de la république. Il faut donc attendre six mois avant que la réponse faite à son recours en grâce revienne à Nouméa, et l’on n’exécute plus un homme qui a vécu cent quatre-vingts jours dans une alternative de vie ou de mort. Quelles sont les conséquences de ces grâces forcées ? Plus sûrs de sauver leurs têtes que les meurtriers de France, les assassins de la Nouvelle-Calédonie satisfont leurs instincts ou leurs rancunes farouches toutes les fois que la soif du sang les tourmente ou qu’ils ont une vengeance à satisfaire. Aucune crainte ne peut les retenir. L’échafaud ne se dressera pas pour eux, et vivre sans rien faire dans une île de l’océan, n’est-ce pas l’idéal? Cet idéal se réalisera également pour les relégués si, coupables d’un vol à Nouméa ou à Cayenne, on leur inflige la même pénalité qu’on leur infligeait en France, c’est-à-dire la prison ordinaire avec une fabrication des chaussons de lisière. Ils se riront de leurs juges comme les vieux forçats se moquent des conseils de guerre qui les condamnent à cent ans de bagne ou deux et trois fois à être décapités. Il n’y a donc que la terreur d’une détention, mais d’une détention sévère, qui puisse arrêter dans la voie du crime les récidivistes des pénitenciers de Nouméa et les récidivistes des prisons de France devenus des relégués.
La maison de correction que nous voudrions voir édifier en Nouvelle-Calédonie