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compte avoir raison de masses incessamment renouvelées. C’est un vrai corps expéditionnaire qu’il faut au Tonkin. Comment y suffira-t-on ? )^ sera-ce par des engageraens volontaires ou par une organisation spéciale pour laquelle un projet a été déjà présenté ? C’est un peu l’affaire de M. le ministre de la guerre si on lui en donne les moyens, comme c’est l’affaire de M. le président du conseil de fixer sans réticence, sans équivoque, les limites et le but de l’entreprise où il a engagé la France ; mais, dans tous les cas, la pire des politiques serait de se payer encore une fois de compromis douteux, de continuer, par un accord trompeur du gouvernement et du parlement, un système qui n’offrirait au pays ni la sécurité de la paix ni les avantages de la guerre.

La vérité est qu’il y a un moment où il faut prendre une résolution dans ces sortes d’affaires de diplomatie et de guerre compromises par une série de fautes, comme il y a un moment où il faut oser avouer qu’on s’est trompé dans les affaires financières. Il n’est point douteux que si on avait été à demi prévoyant depuis quelques années, on aurait traité les finances publiques avec plus de ménagement. On n’aurait ni épuisé le crédit par des emprunts multipliés, ni chargé le budget de dépenses toujours croissantes, de dotations démesurées, de toutes les fantaisies de parti. Les républicains du gouvernement et du parlement se sont conduits en politiques prodigues des ressources nationales. Ils ont fait en cela ce qu’ils ont fait en tout : ils ont abusé, dans un intérêt de fausse popularité, en croyant capter le pays par les chemins de fer, par les écoles, par les subventions, par les distributions d’emplois. Malheureusement cela n’a pas duré, cet étrange système a eu ses conséquences. Le crédit s’est fatigué et la prospérité s’est ralentie ; les dépenses qu’on a créées sont restées, les revenus ont diminué. Le résultat de ces quelques années d’un règne de parti, c’est cette crise financière que les républicains ont préparée eux-mêmes par le gaspillage organisé de la fortune publique, et il ne sert à rien aujourd’hui de se révolter contre l’évidence, d’affecter un optimisme frivole, d’essayer de pallier par des déclamations banales les embarras d’une situation compromise. La réalité est dans les chiffres du budget, elle sera mise au grand jour dans de prochains débats, et c’est là encore un point sur lequel gouvernement et parlement ont à s’expliquer, à prendre un parti.

Le déficit existe, cela n’est pas douteux, il est depuis quelques semaines un perpétuel objet de délibérations entre M. le ministre des finances et la commission du budget. Quel remède a-t-on trouvé ou trouvera-t-on ? On avait parlé un instant de nouveaux impôts ; on s’est hâté d’y renoncer, non pas parce qu’une nouvelle charge eût été cruelle pour le pays, mais parce qu’on ne pouvait parler d’impôts nouveaux dans une année d’élections, et, ce qu’il y a de plus curieux, c’est que le gouvernement et la commission du budget se renvoient maintenant