hommes de guerre et dans l’armement qui lui avait valu la victoire, ne cachait plus ses desseins. Le langage de M. de Bismarck devenait chaque jour plus hautain ; il n’était plus possible de se complaire dans les illusions. La question de prépondérance était posée, implacablement, entre la France et la Prusse, la guerre seule pouvait la résoudre.
L’empereur s’aperçut tardivement qu’il avait, suivant l’expression de M. Rouher, trop saigné l’Autriche ; il s’appliqua, après l’avoir abattue, à l’assister, à la relever. Il reporta le pivot de sa politique à Vienne. La mort tragique de l’empereur Maximilien lui servit de prétexte pour conférer à Salzbourg avec l’empereur François-Joseph, On échangea des vues, on ébaucha avec M. de Beust les bases d’une entente éventuelle, on prévoyait à la fois un conflit en Allemagne, et des complications en Orient ; mais on évita de préciser. Le protocole qui sortit de ces entretiens était vague, ambigu, il n’engageait à rien. « Nous étions à Salzbourg, m’a dit un jour M. de Beust, comme des gentlemen-riders en face d’un fossé ; c’était à qui ne le franchirait pas. »
L’Autriche ne se souciait pas de s’engager avec la France seule ; elle voulait que l’Italie entrât dans l’alliance ; elle tenait à être garantie contre les revendications des irrédentistes. L’empereur présida à la réconciliation de la cour de Vienne avec la cour de Florence. Si l’empereur François-Joseph avait peine à se consoler de la perle de sa grande situation en Allemagne, il se résignait vaillamment au sacrifice de la Lombardie et de la Vénétie. Il ne lui en coûta pas de tendre la main à la maison de Savoie, qui, plus heureuse que la sienne, s’agrandissait de tout ce qu’il perdait. Il échangea des notes avec le cabinet de Florence ; les deux gouvernemens se promettaient de ne rien entreprendre sans se prévenir.
La France inquiète, isolée, trouvait deux puissances prêtes à se concerter avec elle sur les éventualités menaçantes de l’avenir. Il aurait fallu saisir au vol les dispositions qu’elles nous manifestaient et s’assurer leur assistance, fût-ce au prix de grands sacrifices, par d’inviolables traités. Mais l’empereur n’était pas seulement fataliste, il était flegmatique, il remettait tout au lendemain ; il lui répugnait de s’engager, il lui plaisait de laisser une porte entrebâillée à la fortune. Il préférait les sentiers tortueux aux chemins battus. Déjà ses regards se reportaient vers Berlin. Il se laissait distraire de l’Autriche et de l’Italie par l’appât de la Belgique. M. de Bismarck, anxieux du rapprochement qu’il voyait s’opérer entre les trois puissances, reprenait son vieux jeu : il protestait à Paris de ses intentions pacifiques ; il déplorait les incidens fâcheux qui avaient, contre son gré, compromis la cession du Luxembourg ; il