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Page:Revue des Deux Mondes - 1884 - tome 66.djvu/323

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à l’empereur en 1869, lors de la mission qu’il était allé remplir à Vichy, pour le déterminer à faire à l’alliance offensive et défensive qu’il lui offrait le sacrifice du territoire pontifical, sauf Rome et ses environs immédiats. Le général Menabrea ne s’est jamais consolé de l’insuccès de sa mission. « Il est bien malheureux, me disait-il à Florence, en 1871, que l’alliance ne se soit pas conclue, parce que, le premier devoir de deux alliés étant de contrôler réciproquement leurs effectifs et leurs ressources militaires, nous eussions démontré à l’empereur qu’il n’était pas en état de faire la guerre. »

On comprend que l’empereur, tant qu’il ignorait l’évolution qui s’opérait insensiblement dans la politique religieuse de l’Autriche, ait refusé à l’Italie le droit de pénétrer sur le territoire pontifical. Il avait les mains liées par la convention secrète du 12 juin 1866 : il s’était engagé à imposer à l’Italie, en lui accordant la Vénétie, le maintien de la souveraineté temporelle du pape et l’inviolabilité du territoire soumis encore à son autorité. Il avait ouvert à l’Italie les portes de Venise pour lui fermer les portes de Rome, il s’était dégagé de la proclamation de 1859 pour se lier par le traité du 12 juin 1866[1]. Mais du moment que l’Autriche rompait avec ses traditions catholiques et que M. de Beust allait jusqu’à encourager les revendications italiennes, l’empereur reprenait dans la question romaine toute sa liberté. Les refus qu’il opposait au cabinet de Florence changeaient de caractère; ils n’étaient plus inspirés par des obligations contractuelles. L’empereur subordonnait aux scrupules de sa conscience, et plus encore peut-être aux passions de ses entours, la raison d’état, qui lui commandait impérieusement, après tant de fautes commises, de prémunir son pays, par de solides alliances, contre la politique agressive de la Prusse.


VII.

Vers la fin de 1869, la France présentait un inquiétant spectacle; l’esprit frondeur gagnait de proche en proche. Les partis hostiles, contenus et voués au silence tant que l’empereur était prépondérant à l’étranger, relevaient la tête ; ils s’autorisaient des fautes indéniables du Mexique et de Sadowa pour s’attaquer au gouvernement personnel et stigmatiser les origines de l’empire. Partout se révélaient des symptômes troublans : il semblait que les jours du règne fussent comptés, L’Allemagne spéculait sur nos défaillances, elle armait sans relâche, elle révélait des arrière-pensées menaçantes. L’empereur, après avoir été l’arbitre de la paix, était voué à l’impuissance.

  1. La Politique française en 1866. Voir le texte du traité, page 169.