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Page:Revue des Deux Mondes - 1884 - tome 66.djvu/332

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millions, elle a successivement accumulé les plus nombreux et les plus beaux modèles de l’industrie artistique. Lors des expositions universelles qui ont suivi l’exposition de 1851, les jurys purent constater que, si la France ne perdait point son rang, les autres nations avaient fait d’immenses progrès et que, partout, à notre exemple, les produits s’étaient perfectionnés au point de rivaliser avec les nôtres. Il est certain qu’aujourd’hui le travail artistique n’a pour ainsi dire plus de frontières, et que l’ancienne couronne de la France paraît s’être effeuillée dans toutes les régions du monde industriel.

Faut-il donc regretter, au point de vue de nos intérêts, qu’il y ait eu des expositions universelles et attribuer à ces concours la diminution ou la perte des avantages que nous possédions sur les autres pays? C’est ce qu’ont affirmé ou insinué quelques-uns des industriels entendus par la commission d’enquête ! — Les expositions universelles ont contribué, pour les industries d’art comme pour toutes les industries, au progrès général, au perfectionnement de la main-d’œuvre, à l’épuration du goût; en outre, par la vulgarisation des produits usités chez les divers peuples, par la révélation des différens procédés de travail, elles ont grandement aidé à l’avancement de la société humaine. En présence d’un tel résultat, il n’y a pas à tenir compte des protestations égoïstes de quelques intérêts particuliers. Ce n’est point seulement contre les expositions universelles que ces intérêts auraient à protester. Depuis 1851, le globe a été sillonné de chemins de fer et de lignes de paquebots; les communications et les échanges entre les peuples se sont multipliés à l’infini. Il n’était vraiment plus besoin d’ouvrir des expositions soit à Londres, soit à Paris, soit à Vienne pour que nos concurrens étrangers eussent la facilité d’emprunter nos modèles et de recueillir nos leçons. Il leur suffisait de venir à Paris, de visiter nos musées et nos écoles, de s’arrêter devant nos magasins, de payer leur entrée à l’exposition des arts décoratifs pour apprendre en quelques jours où en sont nos industries d’art. Paris est une exposition permanente ouverte à tous les concurrens. Il est donc injuste de faire le procès aux expositions universelles. Celles-ci ont, au contraire, rendu à notre industrie un double service. En premier lieu, elles ont propagé dans le monde entier le goût et le besoin des produits artistiques, elles ont augmenté partout le nombre des consommateurs de ces produits ; et elles devaient ainsi être favorables à l’industrie française plus qu’à toute autre, puisque l’industrie française excelle dans ce genre de production. En second lieu, elles ont placé directement sous les yeux de nos industriels et de nos artistes les produits des différentes contrées; elles leur ont fourni des modèles qu’ils