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partage ce sentiment; il m’a déchargé, moi et mes collègues, du mandat qu’il nous avait confié. Je quitte donc cette barre. Je le fais d’autant plus volontiers que l’accusation et la poursuite, cette poursuite exercée au mépris de toutes les formes du droit, dont mon client a été l’objet, prendra pour tout le monde son vrai caractère, quand la barre sera livrée, comme elle va l’être, à l’accusation seule. » Sur quoi M. Kjerulf et son avocat quittèrent la salle.

Les autres instances se réduisirent à un enregistrement. MM. Vogt, Holmboe, Helliesen, Jensen, Munthe et Bachke furent condamnés à la destitution. MM. Johansen, Schweigaard et Hertzberg, qui n’étaient accusés que sur les deux derniers chefs, et n’avaient eu aucune part au refus de sanction des décisions de 1880, furent simplement condamnés à 8,000 kroner d’amende (11,200 fr.).


IV.

Qu’allait faire le roi? Exécuter l’arrêt, c’était se soumettre. Refuser l’exécution, c’était un coup d’état. Le roi prit le parti de considérer comme démissionnaires ceux des ministres qui avaient été condamnés à la destitution, et de composer un ministère avec les trois autres, MM. Schweigaard, Hertzberg et Johansen, auxquels furent adjoints des hommes d’opinion modérée et conciliatrice, entre autres, deux professeurs de l’Université, signataires de la consultation de 1881, MM. Aubert et E. Hertzberg.

Le nouveau ministère comprit que la partie était perdue. Il essaya de céder en sauvant les apparences. Il laissa entendre que le gouvernement pourrait se soumettre sur la question du conseil d’état et sur les autres questions litigieuses, si le droit de sanction absolu était sauvegardé. On pouvait trouver une forme de transaction qui permettrait tout au moins de réserver la difficulté, de ne pas accepter expressément le principe de la décision du 9 juin. Mais l’heure des compromis était passée. La décision du 9 juin tenait plus à cœur que tout le reste au parti victorieux. C’était sa conquête. Il datait de cette décision un nouvel ordre politique sur lequel il ne voulait plus revenir. Il en exigeait l’exécution pure et simple. Il prétendait plus encore. Sa victoire n’aurait pas été complète s’il n’en avait pas recueilli tous les fruits. Il jugeait l’heure venue où le pouvoir devait tomber entre ses mains. Un ministère de droite ne pouvait trouver grâce à ses yeux.

Ce fut en vain que le nouveau ministère fit preuve d’esprit de conciliation en arrêtant les poursuites intentées contre le grand poète et romancier Björnstjerne Björnson, qui dans ses dernières années s’est mêlé activement aux luttes politiques. Le storthing déclara la guerre aux ministres et la mena énergiquement. L’arme