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erreur de la statistique officielle, qui, il y a une quinzaine d’années, plaçait à côté de 22,101 fermiers à prix d’argent, 14,913 colons partiaires. C’est par une confusion avec les domainiers que ce calcul a été établi, ces prétendus colons partiaires étant pour l’immense majorité des domainiers congéables, qu’une statistique qui n’y regardait pas de si près avait travestis en métayers. On cite aujourd’hui et à une date assez récente quelques cas de métayage en Ploërmel qui se sont produits à la suite des circonstances agricoles actuelles. Ces cas n’ont pu s’établir sans d’assez larges concessions de la part des propriétaires. En général, l’indépendance du caractère breton se refuse au métayage. C’est la règle ; elle laisse place à des exceptions, mais elles remontent déjà à une époque ancienne et se maintiennent par la puissance des traditions. On trouve le métayage dans certaines parties du territoire de Guingamp et dans quelques régions assez rares des Côtes-du-Nord. Il occupe plus de place dans la Loire-Inférieure, particulièrement dans la région de Saint-Nazaire et notamment sur le territoire de Guérande, malgré une diminution qui s’est déjà manifestée. Le métayage est à demeure et produit de bons résultats dans l’arrondissement de Châteaubriant, qui conserve encore certaines habitudes patriarcales faites pour assurer la concorde dans les rapports et la probité dans l’exécution des contrats.

L’avènement du bail à ferme est désormais un fait consacré en Bretagne. On s’en féliciterait plus complètement encore si les baux dépassaient plus souvent les neuf années qu’ils n’atteignent pas toujours, et si des clauses d’indemnité étaient plus souvent stipulées en faveur des fermiers qui ont réalisé des améliorations. La facilité à renvoyer les fermiers pour une rente un peu plus forte, n’a pas épargné ce pays de tradition et de stabilité, sauf dans certaines régions où la propriété a tout à la fois plus de fixité et moins d’exigences. Dans toute cette période « des vaches grasses » qui pour la propriété a précédé celle « des vaches maigres, » laquelle date de quelques années, on doit avouer qu’en Bretagne non plus qu’ailleurs, la propriété n’a été sans quelque exigence abusive à l’égard des fermiers. Elle a pris, par exemple, la forme au moins étrange de droits de commission, de gants, d’épingles, qui ne répond à rien. Cela consiste à payer au propriétaire, en entrant, une ou deux années de plus du revenu. Aujourd’hui les rôles, en plus d’une circonscription, sont renversés. Le propriétaire est obligé d’en rabattre. Mais rien ne justifie ce tribut, augmentation peu déguisée, et qu’il vaudrait mieux déclarer loyalement par un accroissement du fermage qui pèserait moins sur l’exploitant, étant réparti sur un plus grand nombre d’années.

Malgré tout, le cas le plus habituel est la bonne entente des propriétaires et des fermiers. Même dans des régions assez nombreuses,