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Page:Revue des Deux Mondes - 1884 - tome 66.djvu/446

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sept à huit cents pages, le premier volume d’une histoire contemporaine des États-Unis sous le titre de : Vingt Années de congrès. Cet effacement n’était qu’apparent, ses amis le savaient bien, et ce fut sans aucune peine qu’on l’en tira pour lui faire accepter une troisième candidature et lui confier la défense du parti républicain menacé par les progrès des démocrates.

Affrontant la colère indignée des indépendans, il entreprit personnellement la conquête des états douteux et parcourut successivement le New-York, l’Ohio, l’Indiana, l’Illinois, le Michigan, le Wisconsin, sans négliger la Pensylvanie, le Connecticut et le Massachusetts. Les mœurs électorales américaines sont connues; on sait quelles fatigues elles imposent aux candidats qui s’acquittent consciencieusement de leurs devoirs. Processions immenses aux flambeaux, revues de milices, défilés de corporations, aubades, banquets, concerts, meetings monstres, et ce terrible supplice du shake hands qui brise les bras les plus vigoureux, aucune de ces épreuves naturellement ne fut épargnée à Blaine. On a calculé qu’il eut à franchir en six semaines de 13 à 14,000 kilomètres de chemins de fer et qu’il prononça par jour de dix à vingt-neuf allocutions. A la fin d’octobre, il rentrait à New-York pour assister à un banquet que lui offraient, chez Delmonico, deux cents millionnaires représentant un capital de 2 milliards 500 millions de francs. La fête avait été organisée par M. Cyrus Field et par le célèbre Jay Gould, roi de la haute finance de New-York et partisan chaleureux du candidat républicain. Au cours du repas, une souscription fut faite pour subvenir aux derniers frais de la campagne; elle s’éleva, dit-on, à plus de 2 millions 1/2. On ne compte pas d’ailleurs les millions prodigués depuis trois mois par le comité national républicain et personnellement par les grands financiers du parti comme M. Jay Gould. Jamais, de mémoire de politiciens, les dépenses d’une campagne présidentielle n’avaient atteint un chiffre aussi élevé. Une dernière procession de cinquante raille personnes en faveur de M. Blaine, et une autre de trente mille pour M. Cleveland terminèrent la longue série des réjouissances électorales. M. Blaine reprit le chemin du Maine, tandis que M. Cleveland se rendait à Buffalo pour voter. Ses devoirs de gouverneur l’ayant retenu pendant toute la durée de la campagne, celui-ci n’avait guère quitté Albany que pour de courtes excursions qui ne dépassèrent jamais les limites de l’état de New-York. Dans les derniers jours seulement, il fit de brèves apparitions sur le territoire du Connecticut et dans le New-Jersey. Il avait laissé porter tout le poids de la lutte à ses amis et surtout à son collègue en candidature, M. Hendricks, vétéran des batailles électorales, qui, dans l’Ouest, disputait pied à pied le terrain à son concurrent M. Logan.