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par quelques virulentes objurgations contre l’Angleterre, on s’engage à améliorer le sort des classes laborieuses. Sur un seul point, celui des tarifs de douane, il y a divergence de doctrines. La platform républicaine était nettement protectionniste, tandis que le programme républicain, fort éloigné encore des principes libre-échangistes, accuse cependant de vagues tendances à une législation douanière plus libérale.

Cette uniformité dans les revendications des deux partis a fait justice d’un préjugé qui avait longtemps entravé les progrès du parti démocratique auprès de certaines classes d’électeurs dans les États du Nord. On a fini par comprendre que l’arrivée des démocrates au pouvoir ne pouvait plus être une menace pour la tranquillité du pays, pour le crédit public, pour la marche des affaires. Il n’y a rien de commun entre le parti démocratique actuel et celui qui s’alliait, en 1860, avec les propriétaires d’esclaves et les sécessionnistes. Ceux-ci sont des êtres d’antan. Une génération nouvelle a passé sur les grands événemens qui ont fait disparaître ces tenans d’un régime exécré, pour jamais condamné. Hommes et choses, dans l’Union, se sont, depuis, complètement transformés. Ceux qui voient encore dans le parti démocratique une organisation dangereuse pour l’ordre social, hostile aux intérêts conservateurs, ne songent pas que c’est toute une moitié de la population fédérale qu’ils déclarent impropre à l’œuvre de gouvernement. Et pourtant il y a déjà longtemps que les démocrates sont prêts à prendre le pouvoir que le verdict du suffrage universel vient de leur conférer. En 1876, M. Tilden a obtenu 184 voix du collège électoral contre 185 attribuées à M. Hayes, et après même qu’une fraude restée célèbre assurait cette unique voix de majorité à son rival, le vote populaire, qui ne compte pas pour l’élection présidentielle, mais dont les partis relèvent avec soin les utiles indications, faisait ressortir une majorité de 200,000 voix en faveur du candidat démocrate. Quatre ans plus tard, sur 9 millions de votans, la majorité populaire du républicain Garfield contre son concurrent Hancock n’a été que de 7,000 voix. Les démocrates ont eu presque constamment la majorité dans la chambre des représentans depuis 1874. Hs l’ont encore dans le congrès actuel, qui prendra fin le 4 mars prochain, en même temps que la présidence de M. Arthur. Ce n’est donc pas un coup de surprise qui enlève le pouvoir aux républicains; c’est une évolution normale, longuement préparée par les événemens. Les partis finissent par s’user et perdre toute vitalité lorsqu’ils sont confinés indéfiniment dans l’opposition; il sera salutaire que les démocrates, puisqu’ils constituent la moitié de l’Union,