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UN VIEUX

… Débile, tu t’en iras, de porte en
Porte, raconter ta jeunesse aux petits
Enfans et aux vendeurs de saumure.



I.

Il habitait une toute petite maison très ancienne, à mi-hauteur de falaise, sur la route qui va de Brest au phare du Portzic. Le long de ce chemin, dans d’autres demeures pareilles, beaucoup de « retraités de la marine » finissaient de vivre.

La sienne, adossée à des contreforts de granit où poussaient des ajoncs, regardait d’assez haut la rade grise et profonde, la pointe de la Cormorandière, — et le « goulet, » entrée de la pleine mer, par où les navires arrivaient.

Un jardinet, au mur tout bas, la séparait des passans ; à travers des arbustes très vieux, à bout de sève, on la voyait, renfoncée, tapie contre les roches avec un air sombre. Constamment elle était battue par les vents d’ouest, les mauvais temps noirs, les grains des équinoxes ou les longues pluies des hivers.

Quand le ciel était un peu beau, l’homme qui demeurait là tout seul s’asseyait devant sa porte. Sa barbe, d’un gris blanc, formait un collier clair autour de sa figure brune, qui semblait taillée à grands coups de hache dans une souche de bois mort.