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l’avantage de pouvoir, mieux que le blé tendre, résister aux longues sécheresses du printemps. Il contient 20 pour 100 de matières azotées, tandis que celui de Hongrie n’en contient que 13 pour 100, celui d’Odessa 14 pour 100, et celui d’Algérie 17 pour 100. C’est ce qui explique pourquoi les ouvriers agricoles n’ont besoin que de très peu de viande et se contentent de pâtes, de pain, de fromage et de légumes, dans lesquels ils trouvent tous les élémens d’une nourriture complète. Le pain de blé dur est préférable pour les estomacs débiles au pain de blé tendre, et la consommation en est générale en Sicile, où, par suite de l’imperfection des procédés de mouture, on est obligé, pour le fabriquer, de faire usage de farines importées de Gênes et de Marseille. L’introduction des meules à cylindre serait un grand progrès qui permettrait de fabriquer dans l’île même les farines qu’elle consomme au lieu de les faire venir du dehors après avoir exporté son blé.

La Sicile, l’ancien grenier de Rome, ne produit plus les céréales nécessaires à la consommation de ses 2,800,000 habitans. D’après les relevés faits à l’occasion de l’impôt sur la mouture, impôt qui est de 1 fr. 50 par quintal, la consommation en blé s’élève à 4,869,000 quintaux, ou 173 kilogrammes environ par habitant ; d’autre part, d’après les relevés de l’autorité militaire, les chevaux et les mules, dont le nombre s’élève à 173,644, consomment 1,163,000 quintaux d’orge et d’avoine, ce qui porte la consommation effective des céréales à 6,032,000 quintaux, ou à 7,073,000 quintaux, en y ajoutant la quantité nécessaire aux semences. Pour obtenir cette production, il faudrait, en comptant 10 quintaux par hectare, ce qui est exagéré, ensemencer annuellement 700,000 hectares ; en supposant qu’on obtienne deux récoltes en cinq ans, il faudrait donc consacrer 1,750,000 hectares à ce genre de culture. Or d’après les chiffres que nous avons donnés plus haut, il n’y en a en Sicile que 1,400,000 hectares qui y soient affectés. Sans doute, en perfectionnant les procédés, on pourrait produire davantage et arriver au chiffre de 12 à 15 quintaux par hectare ; mais c’est là une question de prix de revient ; car ce n’est pas tout de produire beaucoup, il faut surtout produire à bon marché.

Forcée de combler la différence entre la production et la consommation par des importations étrangères, la Sicile se trouve sous ce rapport dans les mêmes conditions que la plupart des autres pays de l’Europe qui font venir de la Russie, de l’Amérique, de l’Inde et de l’Australie, les blés dont ils ont besoin et qu’ils ne récoltent pas en quantité suffisante, parce qu’ils les produisent trop chèrement, L’élévation des impôts, le prix toujours croissant de la main-d’œuvre mettent ces pays, vis-à-vis de ceux qui n’ont pas ces charges à supporter, dans des conditions d’infériorité incontestable. Toutefois