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pour la fabrication du vermouth, soit après une année de cave, comme vin de Sicile.

Les vignes de la plaine de Catane fournissent le vin de Syracuse : l’un des principaux établissemens est celui des frères Cassola ; d’autres crus encore, tels que le vin de Corvo, celui de Mazzara et celui de Castellamare, connu sous le nom de muscat de Sègeste, ont une certaine réputation et sont vendus soit comme vins de Sicile, soit même comme vins de Bordeaux. L’île, en effet, peut donner les produits les plus variés, et rien n’empêcherait, en améliorant les procédés de fabrication, d’en obtenir de tous les prix et pour tous les goûts. Il est regrettable d’obliger les consommateurs qui préfèrent les vins légers aux vins alcooliques, à boire en Sicile des vins de Toscane.

L’étendue cultivée en vignes est de 480,000 hectares environ, produisant annuellement de 2,400,000 à 2,800,000 hectolitres, qui, au taux moyen de 35 francs l’un, pris sur place après la vendange, représentent une valeur de 84 à 98 millions. Une grande partie de ce vin est destinée à l’étranger. En 1882, il en a été exporté en fûts, dans les pays autres que l’Italie, 116,151 hectolitres. À ce chiffre il faut ajouter le vin expédié en bouteilles, dont le nombre, pour la seule province de Trapani, a été de 29,000. La même année, l’Italie entière a exporté 1,312,388 hectolitres et 1,946,100 bouteilles, tandis qu’elle n’a importé que 57,610 hectolitres et 313,500 bouteilles.

Un commerce aussi considérable n’a pas manqué d’exciter les craintes des viticulteurs français, surtout dans les départemens méridionaux, et de provoquer de leur part des réclamations contre l’insuffisance des droits qui frappent à leur entrée chez nous les vins étrangers. Écrasés d’impôts, obligés de subir les exigences d’une main-d’œuvre de plus en plus élevée, en proie à des fléaux qui diminuent le rendement des deux tiers ou des trois quarts, ne récoltant que des vins marquant 9 à 10 degrés, ils se disent incapables de lutter contre les producteurs espagnols ou italiens, qui se trouvent dans des conditions beaucoup plus avantageuses ; ils se plaignent surtout de voir les alcools d’Allemagne traverser la France pour se rendre en Espagne, où ils servent à alcooliser des vins qui entrent chez nous en ne payant que des droits illusoires et qui, marquant 14 ou 15 degrés, sont plus recherchés que les leurs pour les coupages auxquels ils sont employés. Ces plaintes sont fondées dans une certaine mesure et montrent qu’il y a effectivement de sérieuses modifications à introduire dans l’assiette de l’impôt. Il serait juste de frapper de droits élevés les vins étrangers fabriqués ou additionnés d’alcool ; mais il serait regrettable de traiter de la