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circonstance, de nommer une commission. J’ignore si celle-ci aboutira à des résultats plus satisfaisans que la commission française ; quant à présent, elle a réussi à faire rapporter la loi qui prescrivait l’arrachage des vignes phylloxérées, mesure inapplicable, inutile et dépourvue de sanction. Elle conseille comme chez nous l’emploi des insecticides et la substitution des vignes américaines partout où le premier moyen serait trop onéreux eu égard au prix du vin. Jusqu’ici on ne connaît encore que trois procédés pour combattre ou atténuer les ravages du phylloxéra, et les procédés sont malheureusement encore bien imparfaits. Le premier et le plus radical, découvert par M. Faucon, est la submersion complète des vignes pendant trente ou quarante jours de chaque hiver ; il détruit absolument l’insecte sans, paraît-il, pourrir les racines de la plante, mais il n’est que d’une efficacité relative, puisqu’il faut y recourir chaque année et qu’il n’est applicable que dans les terrains susceptibles d’être inondés, qui sont malheureusement l’exception. À défaut de la submersion totale de la vigne, on peut se contenter d’irrigations pratiquées en été. C’est le procédé qu’emploie M. Maistre à Viileneuvette, près de Lodève, et qui, sans opérer une destruction radicale du phylloxéra, en restreint la multiplication et donne à la vigne une vigueur de végétation qui lui permet de résister plus longtemps aux attaques ; mais pour cela il faut de l’eau et c’est ce qui fait malheureusement le plus défaut, aussi bien dans nos départemens méridionaux qu’en Sicile, où toutes les montagnes sont dénudées.

Le second procédé est l’emploi des insecticides. Jusqu’ici, le sulfure de carbone et le sulfocarbonate de potassium sont les seuls qui soient entrés dans la pratique, mais ils sont encore trop onéreux pour que l’usage en ait été généralisé. Pour qu’on trouve avantage à y recourir, il faut que le prix du vin soit assez élevé pour pouvoir supporter une dépense de 300 à 400 francs par hectare ; partout ailleurs il faut y renoncer.

La dernière ressource des viticulteurs phylloxérés est la plantation de vignes américaines, qui sont destinées soit à produire directement le raisin, soit à servir de porte-greffe aux cépages indigènes. On sait, en effet, que ces vignes, sans être absolument indemnes, ont des racines plus dures et plus nombreuses que celles de nos pays et résistent beaucoup plus longtemps que celles-ci aux morsures de l’insecte ; mais elles donnent un vin de médiocre qualité et l’on ne sait pas encore bien ce qu’elles deviendront comme porte-greffe. Bien des personnes pensent qu’elles ne sont résistantes que pendant leur jeunesse et qu’elles perdront ce privilège dès que leur végétation sera devenue moins vigoureuse. Il est à craindre aussi que, transportées dans un sol et un climat différens de celui où elles