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une étendue de 47,000 hectares. C’est quelque chose, quoique encore insuffisant.

Certains points de la Sicile sont exposés à l’influence de la malaria et voient leurs habitans émigrer pendant l’été pour échapper à la fièvre. On a prétendu que les forêts exerçaient une action préservative et qu’on y remédierait par le reboisement des parties exposées au fléau. Cette opinion n’a pas été confirmée par l’enquête faite en 1881, par ordre du gouvernement, dans la campagne de Rome ; car la commission qui en a été chargée n’a pu recueillir aucun fait qui la motivât. En revanche, il est à peu près hors de doute que les plantations l’eucalyptus produisent cet heureux résultat. C’est à elles, notamment, qu’il faut attribuer l’assainissement de l’établissement pénitencier de Trois-Fontaines, qui est exploité par des trappistes français, et qui autrefois était très fiévreux. Le principe de la malaria a été longtemps inconnu. On a cru le trouver dans la présence des marais, mais on a dû abandonner cette hypothèse après avoir constaté que le fléau sévit même sur les hauteurs et dans les quartiers de Rome qui semblent les plus sains, et qui sont dépourvus d’eau stagnante. C’est à M. le professeur Tommasi Crudeli qu’on doit la découverte du microbe malarien, auquel il a donné le nom de bacillus malariœ. Ces organismes séjournent dans le sol, mais il faut, pour qu’ils se développent, une température minima de 20 degrés, une certaine humidité et l’action de l’air sur le terrain qui les renferme ; en sorte qu’on peut empêcher qu’ils ne se répandent au dehors si l’on intercepte la communication du sol infecté avec l’air extérieur, en le recouvrant soit d’eau, soit d’une végétation dont les racines forment un feutre imperméable. Si les parties marécageuses sont plus particulièrement pestilentielles, c’est parce que la vase, toujours humide, mais fréquemment découverte, est propre au développement du microbe et à son expansion dans l’air ambiant. C’est aussi pourquoi, dans certaines villes, à Rome, par exemple, les quartiers où les maisons pressées les unes contre les autres empêchent l’air d’arriver jusqu’au sol, sont moins fiévreux que ceux qu’on a dégagés et où, dans un intérêt de salubrité, on a ouvert des squares et des boulevards. Le même fait se produit dans nos pays tempérés, où l’on ne peut faire des mouvemens de terrain pendant l’été sans que des cas de fièvre se manifestent ; si ces cas ne sont pas plus nombreux, c’est parce que la température n’est pas assez élevée pour que la malaria exerce son effet d’une manière persistante, mais le germe n’en existe pas moins. Comment agit l’eucalyptus ? Est-ce en drainant le sol, est-ce en tuant les organismes pernicieux par ses émanations ? C’est ce qu’on ignore ; mais