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disque dont la surface considérable résiste mieux à la déformation, on cesse à la fin de l’apercevoir, parce que sa couleur, virant successivement au vert clair, puis au bleu et au bleu sombre, finit par devenir aussi noire que la teinte du milieu ambiant. Il est curieux cependant que deux fois, et dans des conditions exceptionnelles, l’expérience un peu grossière de Bérard ayant été répétée, les mêmes chiffres ou à peu près aient été retrouvés (35 et 42 mètres). Il y a deux précautions à prendre, du reste fort simples : observer du côté où se projette l’ombre du navire et placer l’œil très près de la surface liquide. On perd de vue bien plus facilement des disques peints en jaune ou en brun ; une couche d’une vingtaine de mètres suffit pour les cacher. Or le fond de l’océan n’est presque jamais blanc : tout au plus est-il quelquefois blanchâtre. Il s’ensuit que l’on doit taxer de fable tout récit de voyageur affirmant avoir distingué le fond de l’eau à plus de 60 mètres de la surface, et que 25 mètres constitueront une limite pratique dans des circonstances encore très favorables.

En examinant au spectroscope la lumière réfléchie par les disques plus ou moins enfoncés, il fut constaté que le jaune d’abord, le rouge ensuite, étaient affaiblis les premiers et s’éteignaient bientôt sous une épaisseur d’eau suffisante. On conçoit aisément que cette disparition graduelle des couleurs jaune et rouge fasse passer au vert, puis au bleu, la teinte des objets blancs noyés dans l’eau salée. Chacune des trois couleurs simples dont le mélange constitue toutes les nuances possibles, c’est-à-dire le jaune, le rouge, le bleu ou le violet, a son rôle distinct dans les rayons solaires : le jaune est lumineux, le rouge est chaud et le bleu violacé provoque surtout les réactions chimiques. L’eau en masse très épaisse n’est ni transparente ni diathermane, mais, pénétrable aux rayons bleus, indigo, violets, elle est diactinique. Il va sans dire que ces dernières radiations perdent progressivement leur énergie et s’éteignent enfin si la couche liquide est par trop profonde : cette limite doit être d’ailleurs fort reculée.

Tyndall, confirmant, par ses expériences, celles du père Secchi, a complété la théorie de la couleur des eaux. Selon l’illustre physicien anglais, les flots de la mer peuvent présenter trois teintes principales : bleu, vert, jaune. Les eaux qui sont d’un bleu indigo sont les plus pures de toutes, celles qui sont jaunes renferment des matières limoneuses en suspension ; enfin la couleur verte signale des liquides médiocrement chargés. Mais quel est le rôle des corpuscules solides ? Ils constituent une multitude de miroirs infiniment petits, réfléchissant à l’extérieur la lumière qui pénètre au sein du liquide. Les rayons qui sont renvoyés au dehors, après