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On peut dire que les nombreux corps simples qui entrent dans la composition de l’eau de mer contractent sans cesse de nouvelles liaisons incessamment variables, suivant la température ou la concentration de la liqueur. C’est même en utilisant intelligemment ces phénomènes que, dans les salines, on arrive à forcer les eaux mères à déposer tantôt du sel de cuisine, tantôt une autre combinaison dont on se sert dans l’industrie, ou dont on veut se débarrasser.

En évaporant à siccité dans une capsule un volume connu d’eau de mer, sans négliger certaines précautions, on obtient un résidu qui, bien desséché et pesé, fournit le poids de la quantité totale de sels primitivement dissous. Il est ensuite aisé, au moyen d’un calcul très simple, d’estimer la dose de substances solides renfermées dans un litre. Or, l’eau salée est plus dense que l’eau douce à égal volume et à température égale, et cet excès de densité, que l’on pourrait appeler « l’alourdissement, » est sensiblement proportionnel à la richesse du liquide en matières salines ; on obtient cette dernière en multipliant l’excès de densité par 1,32. On peut ainsi remplacer l’opération chimique par une détermination de densité, expérience plus facile et qui a l’avantage de pouvoir s’effectuer à bord d’un vaisseau. On se sert habituellement d’une série de petits aréomètres très sensibles, dont les indications sont immédiates.

Les diverses régions océaniques ne sont pas également riches en sels : ce que nous avons expliqué au sujet des variations des poids spécifiques le montre nettement. Néanmoins, si l’on puise toujours le liquide à une profondeur suffisante, les variations s’affaiblissent beaucoup, comme l’a prouvé Forchhammer dans son beau travail d’ensemble sur les eaux de notre globe : les chiffres de ses tableaux oscillent entre 34 grammes et 35 grammes par litre. Mais, ce qui est encore plus invariable, c’est la proportion relative des divers élémens acides ou basiques, et l’on n’a pu constater quelques infimes divergences qu’à force de prendre des moyennes sur un grand nombre de dosages. Au reste, il était facile, a priori, de prévoir cette fixité de rapport, puisque l’évaporation concentre sans enlever un atome de sel, tandis que les eaux douces diluent sans fournir aucun tribut. C’est, croyons-nous, Roux, professeur à Rochefort, qui, après avoir analysé quatre-vingt-huit échantillons recueillis dans divers parages de l’Atlantique et de l’Océan indien, énonça et vérifia expérimentalement cette loi générale (1864). Il suffit donc, pour bien connaître la composition d’une eau de mer, de doser un seul des élémens constitutifs, le chlore par exemple : or celui-ci peut être apprécié avec une grande rigueur par un manipulateur