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aisés à distinguer de la glace qui les entoure. D’après M. Otto Pettersson, les doses relatives de chlore et de magnésie sont beaucoup plus fortes dans ces exsudations que dans les eaux aux dépens desquelles s’est formée la glace ; le liquide n’a donc pu être mécaniquement entraîné. En revanche, il y a peu d’acide sulfurique, c’est-à-dire peu de sulfate, de sorte que la conclusion nécessaire est que la glace d’eau de mer a dû retenir en plus grande abondance ces mêmes sulfates, ce que confirme l’analyse chimique. Avec la congélation, un véritable triage s’accomplit : l’acide sulfurique presque en entier passe dans la partie qui se concrète ; et, inversement, la magnésie et le chlore dominent dans la masse restée liquide. Avec le temps, et sous l’influence des variations de température, tout ce que le bloc a pu ramasser de chlorures au début disparaît peu à peu : une partie descend dans la mer et s’y dissout, et le reste s’élève jusqu’à la surface libre, où il se forme des cristaux hydratés, une sorte de « neige salée, » si l’on veut. Le travail d’élimination se poursuit toujours dans le même sens qu’au début et ne s’interrompt jamais, pour peu que les circonstances soient favorables. Les sulfates dominent donc exclusivement dans les vieilles glaces, qui, toujours selon M. Pettersson, constituent des mélanges d’eau solidifiée pure et d’un composé chimique spécial, le cryohydrate de sulfate de soude. Ce dernier corps, bien qu’il comprenne à peine 5 pour 100 de sulfate pour 95 parties d’eau, possède des caractères particuliers et se détruit à une température un peu inférieure à 0 degré, point de fusion de la glace pure. Ainsi, un fragment déjà ancien, soumis à la chaleur dissolvante du printemps, avant de se désagréger définitivement, perdra d’abord toute la fraction de son poids (8 pour 100 environ) qui est à l’état de cryohydrate ; et, après cette réduction, il fondra à zéro, puisqu’il ne renferme plus de substance étrangère,

Il résulte de ces curieux phénomènes de sélection que la glace, sous l’empire des vicissitudes atmosphériques, s’approche de plus en plus d’une limite où sa composition serait fixe, mais que bien souvent elle n’atteint pas en réalité. Ordinairement, l’expulsion des chlorures n’est pas complète, et de brusques changemens de température peuvent tout liquéfier à la fois. Quoique en soit, le savant suédois croit pouvoir assimiler la glace d’eau salée à une roche composée, à une sorte de « granit » dont chaque élément se décomposerait à son tour dans des circonstances spéciales. Seules les eaux chaudes, plus éloignées du pôle, pourraient avoir raison des constituans stables entraînés par le courant arctique, de même que, pour continuer notre comparaison, la rivière qui a rongé peu à peu le bloc granitique finit par entraîner les derniers débris du rocher