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la majorité, encore irritée d’avoir perdu deux de ses chefs les plus résolus, M. Jacobs, M. Wœste, et les libéraux, qui poursuivent en lui le continuateur du précédent ministère, qui refusent, bien entendu, de désarmer devant cette personnification nouvelle de la politique des catholiques et des indépendans. Cette situation un peu compliquée, elle a été plus vivement mise en lumière, ces jours passés, par les interpellations que M. Frère-Orban, M. Bara, ont adressées au gouvernement et qui ont été l’occasion naturelle d’une discussion des plus animées où tous les chefs de partis, libéraux et catholiques, anciens et nouveaux ministres, se sont rencontrés. Le cabinet dont M. Beernaert est le chef a maintenu sa position, se défendant non sans habileté contre les libéraux, s’étudiant aussi à rester modéré, et il a fini par sortir victorieux de cette épreuve. Le nouveau ministère pourra-t-il se maintenir longtemps ainsi, placé en quelque sorte entre deux feux ? Ne sera-t-il pas un jour ou l’autre victime des ressentimens impatiens de la majorité catholique, dont il ne satisfait pas toutes les ardeurs, ou d’une attaque des libéraux à propos d’un incident imprévu ? C’est là tout le problème des affaires belges. Le ministère reste sans doute fort exposé) il a peut-être aussi des chances de vivre qui tiennent à une situation singulièrement complexe.

Les catholiques, qui ont la majorité dans le parlement, ont été violemment émus de la retraite de M. Malou, de M. Jacobs, de M. Wœste, et ils ne sont pas sans éprouver quelque mauvaise humeur contre le nouveau cabinet. Ils ne peuvent pourtant pas se méprendre, ils n’ignorent pas que s’ils renversent ou s’ils laissent renverser le ministère, ils perdront vraisemblablement le pouvoir ; ils vont droit à une dissolution nouvelle du parlement, qui ne sera pas faite, selon toute apparence, par eux. D’un autre côté, les libéraux eux-mêmes, quelques animés qu’ils soient dans leurs luttes, si ardens qu’ils se montrent dans leur opposition, commencent à réfléchir et à se rendre compte des causes de leur défaite de cet été. Il en est beaucoup parmi eux qui s’avouent qu’ils ont trop facilement fait alliance avec le radicalisme, qu’ils ont laissé trop d’influence aux radicaux dans les conseils du parti et qu’ils ont ainsi perdu bien des sympathise dans le pays. Ils ne le pensent pas seulement, ils commencent à agir en conséquence. Ils songent à réformer les statuts des associations libérales, qui ont singulièrement favorisé jusqu’ici l’invasion des élémens radicaux ; c’est même sur cette question que s’est faite, ces jours derniers, l’élection d’un nouveau président de l’association libérale de Bruxelles, et le candidat élu, M. Van Humbeeck, ancien ministre de l’instruction publique avec M. Frère-Orban, est précisément un des partisans de cette réforme des statuts des associations. Les libéraux prévoyais sont les premiers à sentir le besoin de se réorganiser, ils sont peut-être intéressés à ne rien précipiter, et c’est ainsi que, même dans une