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« les campagnes elles-mêmes tressaillaient d’allégresse de l’honneur que leur faisait le souverain pontife. » Cette noble visite semblait consacrer officiellement le droit de Tor-Paterno à se confondre avec Laurente.

il est certain qu’on trouve à Tor-Paterno et dans les environs des ruines considérables, et qu’on est tout d’abord porté à croire qu’un lieu où l’antiquité a laissé tant de souvenirs a dû tenir une certaine place dans l’histoire. C’est là le fondement de l’opinion de Fabretti et ce qui lui a donné tant de crédit jusqu’à nos jours. Mais est-il possible un moment d’admettre que ces ruines soient celles d’une ville ? Voilà toute la question, et il me semble qu’un examen rapide permet de la résoudre.

C’est surtout autour de la ferme qu’elles sont accumulées ; la maison moderne s’est logée tant bien que mal au milieu d’elles, adossant ses petits murs crépis et blanchis à de grandes murailles de briques rouges qui la dominent de tous les côtés. Il faut faire le tour de l’habitation pour se rendre compte de l’étendue et de la grandeur du monument antique. La bâtisse actuelle n’a pu en utiliser qu’une partie. Par derrière, dans une sorte d’enclos attenant à la ferme, on voit se dresser des pans de murs plus hauts et plus massifs que ceux de la façade, soutenus quelquefois par des contreforts. Il n’est pas besoin d’une longue étude pour reconnaître à quel genre d’édifice appartenaient ces débris ; on ne peut les voir sans songer aux grandes bâtisses du Palatin, surtout à la villa qu’Hadrien avait construite à Tivoli. Quoiqu’on plus mauvais état et de dimensions plus modestes, ils sont de la même famille et presque du même temps. Nous avons devant les yeux un palais de l’époque impériale ; il est facile d’en distinguer les grandes salles, avec leurs portes cintrées et les absides qui en décoraient le fond. Au dehors de la ferme, dans les champs qui s’étendent vers la droite, on rencontre partout des ruines. Ce sont d’ordinaire des masses de béton et de brique qui proviennent de quelque mur ou de quelque voûte écroulées ; de temps en temps, des fragmens de murailles mieux conservées, et même des salles dont on devine le plan ; à chaque pas, des morceaux de marbre ou de stuc, des chapiteaux et des fûts de colonne d’un bon travail ; j’y ai même trouvé un buste sans tête, dont les draperies sont très soignées et qui paraît du temps des Antonins. De l’autre côté, on suit les restes d’un grand aqueduc qui s’avance dans la campagne. Pline fait remarquer que ce pays a le désavantage de ne pas posséder de sources jaillissantes ; de son temps, on se contentait d’y creuser des puits, qui, quoique très rapprochés de la mer, donnaient une eau limpide et pure. Il est donc vraisemblable que l’aqueduc qui amenait à grands frais l’eau des montagnes n’a été construit qu’après Trajan.