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saint-père le remerciait de la manière dont il avait défendu et interprété le Syllabus, le louant d’avoir réprouvé les erreurs condamnées au sens où le pape les réprouvait lui-même[1]. Après une pareille approbation, il semblait difficile de répéter que M. Dupanloup avait trahi et dénaturé la parole pontificale. Cela ne gêna point les adversaires de l’Antisyllabus d’Orléans. « L’hérésie libérale » condamnée par le pape, ils n’en persistèrent pas moins à la retrouver dans l’interprétation sanctionnée d’un bref de Pie IX, faisant eux-mêmes ce qu’ils reprochaient à M. Dupanloup, épiloguant sur le bref pontifical, prétendant y découvrir sous les éloges un blâme dissimulé, comme si le pape dont ils célébraient l’indomptable énergie eût pu s’oublier assez pour applaudir publiquement à des doctrines entachées d’erreur ou pour déguiser subrepticement son blâme sous des paroles ambiguës[2].

Toujours est-il que la question dont les ultras lui demandaient la solution, le Syllabus ne l’a pas tranchée. Le libéralisme n’a pas été officiellement classé parmi les hérésies. L’opinion des catholiques reste libre à cet égard après l’encyclique Quanta cura de Pie IX aussi bien qu’après l’encyclique Mirari de Grégoire XVI. La distinction du fait et du droit, de l’hypothèse et de la thèse, permet au croyant le plus timoré de mettre sa foi d’accord avec son patriotisme et sa conscience avec ses opinions politiques. Et cette liberté de fait dont les anathèmes du Syllabus n’ont pu le dépouiller, il n’est pas probable qu’aucun des successeurs de Pie IX la lui dispute jamais, ni qu’aucune encyclique aille dans ce sens au-delà du Syllabus, L’église a pour cela trop d’intérêt à laisser la question ouverte.


IV

Les divisions intestines des catholiques ne les empêchèrent jamais de s’unir contre les ennemis spirituels et temporels de la papauté. De 1849 à 1870, à l’époque même où ils étaient en proie à une Véritable guerre civile, les deux camps rivalisèrent de zèle et de dévoûment pour la défense de la royauté pontificale, veillant

  1. …. Et codem plane sensu quo a nobis fuerant reprobati. Bref adressé dès le 4 février 1865.
  2. Voici le texte ainsi retourné contre l’évêque honoré du bref. Le pape, en terminant, se déclarait assuré que l’évêque d’Orléans expliquerait le véritable sens du Syllabus avec d’autant plus d’exactitude qu’il avait mis plus d’énergie à en repousser les interprétations calomnieuses : Gratum itaque tibi significamus animum nostrum, pro certo habentes te eo accuratius traditurum esse populo tuo germanam nostrarum litterarum sententiam quo vehementius calumniosas interpreationes explotisti.